oser silence a une femme,
dit Genevieve assez vivement, que l'on ne doit pas abuser de sa
politesse et lui faire entendre un langage qu'il ne peut supporter sans
souffrir. Allons, Henriette, calme-toi, prends ma place dans la voiture;
tachez de vous y arranger toutes, et de prendre seulement la petite
Marie sur vos genoux. Pour nous, qui avons fait la moitie de la route
en voiture, nous ferons bien le reste a pied, n'est-ce pas, ma chere
Justine?
La chose fut bientot convenue. Joseph voulut un instant faire les
honneurs de sa voiture a Andre et achever la route a pied; mais il
comprit bien vite qu'Andre aimait beaucoup mieux accompagner Genevieve,
et il prit sa place dans la patache, qui continua le voyage au pas.
Andre offrit son bras a Justine Marteau, afin d'avoir l'occasion
d'offrir l'autre a Genevieve au bout de quelques minutes; mais a peine
l'eut-elle accepte qu'Andre, qui se croyait fort en train de dire les
choses les plus sensees du monde, ne trouva plus meme a placer un mot
insignifiant pour diminuer le malaise d'un silence qui dura pres d'un
quart d'heure sans aucune cause appreciable.
Ce fut mademoiselle Marteau qui le rompit la premiere, des qu'elle eut
fini de penser a autre chose; car elle etait preoccupee, soit de
la pensee de son trousseau, soit de celle de son fiance. "Eh bien!
dit-elle, qu'avons-nous donc tous les trois a regarder les etoiles?
--Je vous assure, repondit Andre, que je ne pensais pas aux etoiles, et
que je les regardais encore moins. Et vous, mademoiselle Genevieve?
--Moi, je les regardais sans penser a rien, repondit-elle.
--Permettez-moi de ne pas vous croire, reprit Andre; je suis sur, au
contraire, que vous reflechissez beaucoup et a propos de tout.
--Oh! oui, je reflechis, repondit-elle; mais je n'en pense pas plus pour
cela, car je ne sais rien, et quand j'ai bien reve, je n'en suis pas
plus avancee.
--Cela est impossible. Quand vous regardez les etoiles, vous pensez a
quelque chose.
--Je pense quelquefois a Dieu, qui a mis toutes ces lumieres la-haut;
mais comme on ne peut pas toujours penser a Dieu, il arrive que je
continue a les regarder sans savoir pourquoi; et pourtant je reste des
heures entieres a ma fenetre sans pouvoir m'en arracher. D'ou cela
vient-il? Sans doute les etoiles font cet effet-la a tout le monde:
n'est-ce pas Justine?
--Je crois, dit Justine, que ton amie Henriette ne les regarde jamais.
Pour moi, je suis comme toi, je ne peux pas en de
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