une autre vie.
--Eh bien! ne pensez-vous pas que le paradis puisse etre dans quelqu'une
de ces belles etoiles?
--Mais je n'en sais rien. Vous-meme, qu'en savez-vous?
--Oh! rien. Je ne sais pas ou Dieu a cache le bonheur qu'il fait esperer
aux hommes. Croyez-vous, mesdemoiselles, qu'on puisse obtenir tout ce
qu'on desire en cette vie?
--Mais non! dit Justine; on peut desirer l'impossible. Le bonheur et la
raison consistent a regler nos besoins et nos souhaits.
--Cela est tres-bien dit, repondit Andre; mais pensez-vous qu'il existe
trois personnes au monde qui puissent atteindre a la sagesse? Nous voici
trois: repondez-vous de nous trois?
--Oh! c'est tout au plus si je reponds de moi-meme, dit Justine en
riant; comment repondrais-je de vous? Cependant je repondrais de
Genevieve, je crois qu'elle sera toujours calme et heureuse.
--Et vous, mademoiselle, dit Andre, en repondez-vous?
--Pourquoi pas? dit-elle avec une tranquillite naive. Mais parlez-moi
donc des etoiles, cela m'inquiete davantage. Pourquoi Justine dit-elle
que ce sont des mondes et des soleils?
Andre, heureux et fier, pour la premiere fois de sa vie, d'avoir quelque
chose a enseigner, se mit a lui expliquer le systeme de l'univers, en
ayant soin de simplifier toutes les demonstrations et de les rendre
abordables a l'intelligence de son eleve. Malgre la soumission attentive
et la curiosite confiante de Genevieve, Andre fut frappe du bon sens et
de la nettete de ses idees. Elle comprenait rapidement; il y avait des
instants ou Andre, transporte, lui croyait des facultes extraordinaires,
et d'autres ou il croyait parler a un enfant. Quand ils furent arrives
aux premieres maisons de la ville, Henriette descendit de voiture et dit
qu'elle se chargeait de reconduire Genevieve chez elle. Andre n'osa pas
aller plus loin; il prit conge d'elle, et, se derobant aux instances de
Joseph, qui voulait l'emmener boire du punch, il reprit legerement le
chemin de son castel. Tout ce qu'il desirait desormais, c'etait de
se trouver seul et de n'etre pas distrait de ses pensees. Elles se
pressaient tellement dans son cerveau, qu'il s'assit bientot sur le bord
du chemin, et posant son front dans ses mains, il resta ainsi jusqu'a ce
que le froid de la nuit le saisit et l'avertit de reprendre sa marche.
VIII.
Le lendemain, lorsque Andre se retrouva seul dans son grand verger, il
s'etait passe bien des choses dans sa tete; mais il avait trouve une
solution
|