nt qu'elle ira quelque part avec moi.
Joseph fit la contorsion d'un homme qui avalerait une pomme.
--J'aurai bien de la peine a la decider, ajouta Henriette; elle ne va
jamais chez les bourgeois; et elle a raison, monsieur Joseph! les
bourgeois ne sont pas des maris pour nous; aussi nous n'ecoutons guere
leurs fleurettes; tenez-vous cela pour dit.
--Pour le coup, dit Joseph, j'avale une citrouille qui m'etouffera!
Pardon, mademoiselle, ce sont des spasmes d'estomac. Voici le diner qui
sonne; permettez-moi de vous offrir mon bras. C'est convenu, n'est-ce
pas?
--Quoi donc, monsieur, s'il vous plait?
--Que vous irez chercher Genevieve apres diner?
--J'essaierai.
V.
Henriette essaya en effet, pour complaire a Joseph Marteau, dont elle
aurait ete bien aise de rendre serieuses les protestations d'amour. Du
reste, elle feignait d'admirer beaucoup la vertu de Genevieve, et, par
esprit de corps, elle ne cessait de vanter la superiorite de cette
grisette, en sagesse et en esprit, sur toutes les dames de la ville;
mais interieurement elle n'approuvait pas trop la rigidite excessive de
sa conduite. Elle croyait que le bonheur n'est pas dans la solitude du
coeur, et son amitie pour elle la portait a lui conseiller sans cesse
d'ecouter quelque galant.
Elle fut forcee de dissimuler avec Genevieve pour la decider a venir
chez madame Marteau. La jeune fleuriste ne se rendit qu'en recevant
l'assurance de n'y rencontrer que les filles de la maison et les
ouvrieres d'Henriette.
Pour aider a ce mensonge, Joseph, sans rien dire a Andre, le mena faire
un tour de promenade dans la ville, et ne rentra que lorsqu'il jugea
Genevieve et Henriette arrivees.
Ils les rejoignirent dans le petit jardin qui etait situe derriere la
maison. Genevieve donnait le bras a la grand'mere, qui s'appuyait sur
elle d'un air affectueux en lui disant:
"Viens ici, mon enfant, je veux te montrer mes hemerocales, tu n'as
jamais rien vu de plus beau. Quand tu les auras regardees, tu voudras en
faire pour le bouquet de Justine; c'est une fleur du plus beau blanc:
tiens, vois!"
Genevieve ne s'apercevait pas de la presence des deux jeunes gens; ils
marchaient doucement derriere elle, Joseph faisant signe aux autres
jeunes filles de ne pas les faire remarquer. Genevieve s'arreta et
regarda les fleurs sans rien dire; elle semblait reflechir tristement.
--Eh bien, dit la vieille, est-ce que tu n'aimes pas ces fleurs-la?
--Je les aime tro
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