peu aussi Genevieve se mela a la
conversation, et ils etaient presque tous a l'aise en arrivant au
Chateau-Fondu. Heureusement pour lui, Andre avait etudie avec assez de
fruit les sciences naturelles, et il pouvait apprendre bien des choses
a Genevieve. Elle l'ecoutait avec avidite; c'etait la premiere fois
qu'elle rencontrait un jeune homme aussi distingue dans ses manieres et
riche d'une aussi bonne education. Elle ne songea donc pas un instant
a s'eloigner de lui et a s'armer de cette reserve qu'elle conservait
toujours avec Joseph. Il lui etait bien facile de voir qu'elle n'en
avait pas besoin avec Andre, et qu'il ne s'ecarterait pas un instant du
respect le plus profond.
La matinee fut charmante: on cueillit des fleurs, on dansa au bord de
l'eau, on mangea de la galette chaude dans une metairie; tout le monde
fut gai, et mademoiselle Henriette fut enchantee de voir Genevieve aussi
_bonne enfant_. Cependant, lorsque l'apres-midi s'avanca, Joseph fit
observer que le besoin d'un repas plus-solide se faisait sentir, qu'on
avait assez admire le Chateau-Fondu et qu'il etait convenable de
chercher un diner et une autre promenade dans les environs. Andre
tremblait en songeant au voisinage du chateau de son pere et a l'orage
qui l'y attendait, lorsque Joseph mit le comble a son angoisse en
s'ecriant: "Eh! parbleu! le chateau de notre ami Andre est a deux pas
d'ici; le pere Morand est le meilleur des hommes; c'est mon ami intime,
il nous recevra a merveille. Allons lui demander un dindon roti et du
vin de sa cave. Andre, montre-nous le chemin, et passe devant nous pour
nous faire les honneurs."
Andre se crut perdu; mais comme tous les gens faibles, qui n'osent
jamais s'arreter et s'embarquent toujours dans de nouvelles difficultes,
il se resigna a braver toutes les consequences de sa destinee, et
remonta en voiture avec Genevieve et ses compagnes.
Cependant, a mesure qu'il approchait des tourelles hereditaires, une
sueur froide se repandait sur tous ses membres. Dans quelle colere il
allait trouver le marquis! car l'enlevement du cheval et du char a
bancs devait depuis plusieurs heures causer dans la maison un scandale
epouvantable, et le marquis etait incapable, pour quelque raison humaine
que ce fut, de sacrifier aux convenances le besoin d'exhaler sa colere.
Quel accueil pour Genevieve, qu'il eut voulu recevoir a genoux dans sa
demeure! et quelle mortification pour lui d'etre traite devant elle
comme un ecolier pris
|