s; elle tricotait
elle-meme avec du fil extremement fin ses gants et ses bas a jour. Andre
reconnut a ses mains des gants pareils a celui qu'il possedait; il
admira la petitesse de ses mains et celle des pieds que chaussaient
d'etroits souliers de prunelle a cothurnes rigidement serres; la robe,
au lieu d'etre collante comme celle de ses compagnes, etait ample et
flottante; mais elle dessinait une ceinture dont une fille de dix ans
eut ete jalouse, et a travers la percale fine et blanche on devinait des
epaules et des bras couleur de rose.
Lorsqu'elle apercut Joseph, qui lui adressa le premier la parole, elle
le salua avec une politesse froide; mais Joseph avait le moyen de
l'adoucir.
--Oh! mademoiselle Genevieve, lui dit-il, j'ai bien pense a vous hier a
la chasse; imaginez qu'il y a aupres de l'etang du _Chateau-Fondu_ des
fleurs comme je n'en ai jamais vu; si j'avais pu trouver le moyen de les
apporter sans les faner, j'en aurais mis pour vous dans ma gibeciere.
--Vous ne savez pas ce que c'est?
--Non, en verite! mais cela a deux pieds de haut; les feuilles sont
comme tachees de sang; les fleurs sont d'un rose clair, avec de grandes
taches de lie de vin; on dirait de grandes guepes avec un dard, ou de
petites vilaines figures qui vous tirent la langue; j'en ai ri tout seul
a m'en tenir les cotes en les regardant.
--Voila une plante fort singuliere, dit Genevieve en souriant.
--Je crois, dit timidement Andre, autant que mon peu de savoir en
botanique me permet de l'affirmer, que ce sont des plantes ophrydes
appelees par nos bergers _herbe aux serpents_[1].
[Note 1: C'est le satyrion-bouquin.]
--Ah! pourquoi ce nom-la? dit Genevieve; qu'est-ce que ces pauvres
fleurs ont de commun avec ces vilaines betes?
--Ce sont des plantes veneneuses, repondit Andre, et qui ont quelque
chose d'affreux en elles malgre leur beaute; ces taches de sang d'abord,
et puis une odeur repoussante. Si vous les aviez vues, vous auriez
trouve quelque chose de mechant dans leur mine; car les plantes ont une
physionomie comme les hommes et les animaux.
--C'est drole ce que tu dis la, reprit Joseph; mais c'est parbleu vrai!
Quand je le dis que ces fleurs m'ont fait l'effet de me rire au nez, et
que je n'ai pas pu m'empecher d'en faire autant!
--D'autant plus que pour les cueillir dans cet endroit, repondit Andre,
il faut courir un certain danger: l'etang de Chateau-Fondu a des bords
assez perfides.
--Ou prenez-vous ce Cha
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