es, avides de
louanges, folles de plaisir, bavardes, gourmandes, impertinentes; mais
desinteressees, genereuses et franches. Leur exterieur repond assez a ce
caractere: elles sont generalement grandes, robustes et alertes; elles
ont de grandes bouches qui rient a tout propos pour montrer des dents
superbes; elles sont vermeilles et blanches, avec des cheveux bruns ou
noirs. Leurs pieds sont tres-provinciaux et leurs mains rarement belles;
leur voix est un peu virile, et l'accent du pays n'est pas melodieux.
Mais leurs yeux ont une beaute particuliere et une expression de
hardiesse et de bonte qui ne trompe pas.
Tel etait le monde ou Joseph Marteau essaya de lancer le timide Andre,
en lui declarant que le bonheur supreme etait la et non ailleurs, et
qu'il ne pouvait pas manquer de sortir enivre du premier bal ou il
mettrait les pieds. Andre se laissa donc conduire et se conduisit
lui-meme assez bien durant toute la soiree. Il dansa tres-assidument, ne
fit manquer aucune figure, depensa au moins cinq francs en oranges et en
pralines _offertes aux dames_; meme il se montra homme de talent et de
_bonne societe_ (comme disent les gens de mauvaise compagnie) en prenant
la place du premier violon, qui etait ivre, et en jouant tres-proprement
un quadrille de contredanse tirees de la _Muette de Portici_.
Malgre ces excellentes actions, Andre ne prit pas beaucoup dans la
societe artisane. On le trouva _fier_, c'est-a-dire silencieux et froid;
lui-meme ne s'amusa guere et ne fut pas aussi enchante qu'on le lui
avait predit. La beaute de ces grisettes n'etait nullement celle qui
plaisait a son imagination. Il etait difficile, mais ce n'etait pas sa
faute; il avait dans la tete l'ineffacable souvenir d'un teint pale, de
deux grands yeux melancoliques, d'une voix douce, et voulait a toute
force trouver de la poesie, sinon dans le langage, du moins dans le
silence d'une femme. Tout ce petit caquetage d'enfants gates lui deplut.
D'ailleurs il n'etait pas aise d'en approcher; la moins belle etait
surveillee par plus d'un aspirant jaloux, et Andre ne se sentait pas la
moindre vocation pour le role de Lovelace campagnard. Trop modeste pour
esperer de supplanter qui que ce fut, il etait trop nonchalant pour
engager la lutte avec un concurrent. Il se retira donc de bonne heure,
laissant Joseph dans une grande exaltation entre une belle ravaudeuse
aux yeux noirs et un enorme bol de vin chaud.
--Comment, dit-il a Andre le lendemain, tu e
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