d, en arrivant devant la facade, il trouva
les niches des saints vides et les figurines du portail
decapitees.
Il demanda le sacristain; on lui rit au nez: il n'y avait plus de
sacristain.
Il s'informa a qui il devait s'adresser pour avoir les clefs: on
lui repondit que c'etait au capitaine de la gendarmerie.
Le capitaine de la gendarmerie n'etait pas loin; le cloitre
attenant a l'eglise avait ete converti en caserne.
Roland monta a la chambre du capitaine, se fit reconnaitre pour
aide de camp de Bonaparte. Le capitaine, avec l'obeissance passive
d'un inferieur pour son superieur, lui remit les clefs et le
suivit par derriere.
Sir John attendait devant le porche, admirant, malgre les
mutilations qu'ils avaient subies, les admirables details de la
facade.
Roland ouvrit la porte et recula d'etonnement: l'eglise etait
litteralement bourree de foin, comme un canon charge jusqu'a la
gueule.
-- Qu'est-ce que cela? demanda-t-il au capitaine de gendarmerie.
-- Mon officier, c'est une precaution de la municipalite.
-- Comment! une precaution de la municipalite?
-- Oui.
-- Dans quel but?
-- Celui de sauvegarder l'eglise. On allait la demolir; mais le
maire a decrete qu'en expiation du culte d'erreur auquel elle
avait servi, elle serait convertie en magasin a fourrages.
Roland eclata de rire, et, se retournant vers sir John:
-- Mon cher lord, dit-il, l'eglise etait curieuse a voir; mais je
crois que ce que monsieur nous raconte la est non moins curieux.
Vous trouverez toujours, soit a Strasbourg, soit a Cologne, soit a
Milan, une chapelle ou un dome qui vaudront la chapelle de Brou;
mais vous ne trouverez pas toujours des administrateurs assez
betes pour vouloir demolir un chef-d'oeuvre, et un maire assez
spirituel pour en faire une eglise a fourrages. Mille
remerciements, capitaine; voila vos clefs.
-- Comme je le disais a Avignon, la premiere fois que j'eus
l'honneur de vous voir, mon cher Roland, repliqua sir John, c'est
un peuple bien amusant que le peuple francais.
-- Cette fois, milord, vous etes trop poli, repondit Roland: c'est
bien idiot qu'il faut dire; ecoutez: je comprends les cataclysmes
politiques qui ont bouleverse notre societe depuis mille ans; je
comprends les communes, les pastoureaux, la Jacquerie, les
maillotins, la Saint-Barthelemy, la Ligue, la Fronde, les
dragonnades, la Revolution; je comprends le 14 juillet, les 5 et 6
octobre, le 20 juin, le 10 aout, les 2 et 3 sep
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