lle: il envoya son aide-de-camp Murat pour
presenter solennellement au directoire vingt-et-un drapeaux pris sur
l'ennemi. Ensuite il adressa a ses soldats la proclamation suivante:
"Soldats, vous avez remporte en quinze jours six victoires, pris
vingt-et-un drapeaux, cinquante-cinq pieces de canon, plusieurs places
fortes, et conquis la partie la plus riche du Piemont; vous avez fait
quinze mille prisonniers[3], tue ou blesse plus de dix mille hommes:
vous vous etiez jusqu'ici battus pour des rochers steriles, illustres
par votre courage, mais inutiles a la patrie; vous egalez aujourd'hui,
par vos services, l'armee de Hollande et du Rhin. Denues de tout, vous
avez supplee a tout. Vous avez gagne des batailles sans canons, passe
des rivieres sans ponts, fait des marches forcees sans souliers,
bivouaque sans eau-de-vie et souvent sans pain. Les phalanges
republicaines, les soldats de la liberte, etaient seuls capables de
souffrir ce que vous avez souffert: graces vous en soient rendues,
soldats! La patrie reconnaissante vous devra sa prosperite; et si,
vainqueurs de Toulon, vous presageates l'immortelle campagne de 1793,
vos victoires actuelles en presagent une plus belle encore. Les deux
armees qui naguere vous attaquaient avec audace, fuient epouvantees
devant vous; les hommes pervers qui riaient de votre misere, et se
rejouissaient dans leur pensee des triomphes de vos ennemis, sont
confondus et tremblans. Mais, soldats, vous n'avez rien fait puisqu'il
vous reste a faire. Ni Turin, ni Milan ne sont a vous: les cendres
des vainqueurs de Tarquin sont encore foulees par les assassins de
Basseville! On dit qu'il en est parmi vous dont le courage mollit, qui
prefereraient retourner sur les sommets de l'Apennin et des Alpes? Non,
je ne puis le croire. Les vainqueurs de Montenotte, de Millesimo,
de Dego, de Mondovi, brulent de porter au loin la gloire du peuple
francais."
[Footnote 3: Ce n'est guere que dix a onze mille.]
Quand ces nouvelles, ces drapeaux, ces proclamations, arriverent coup
sur coup a Paris, la joie fut extreme. Le premier jour, c'etait une
victoire qui ouvrait l'Apennin et donnait deux mille prisonniers;
le second jour, c'etait une victoire plus decisive qui separait les
Piemontais des Autrichiens, et donnait six mille prisonniers. Les jours
suivans apportaient de nouveaux succes: la destruction de l'armee
piemontaise a Mondovi, la soumission du Piemont a Cherasco, et la
certitude d'une paix prochaine
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