mple de Vesta;--et tout l'appartement sentait un peu le moisi, car le
plancher etait plus bas que le jardin.
Au premier etage, il y avait d'abord la chambre de "Madame",
tres-grande, tendue d'un papier a fleurs pales, et contenant le portrait
de "Monsieur" en costume de muscadin. Elle communiquait avec une chambre
plus petite, ou l'on voyait deux couchettes d'enfants, sans matelas.
Puis venait le salon, toujours ferme, et rempli de meubles recouverts
d'un drap. Ensuite un corridor menait a un cabinet d'etude; des livres
et des paperasses garnissaient les rayons d'une bibliotheque entourant
de ses trois cotes un large bureau de bois noir. Les deux panneaux en
retour disparaissaient sous des dessins a la plume, des paysages a la
gouache et des gravures d'Audran, souvenirs d'un temps meilleur et d'un
luxe evanoui. Une lucarne au second etage eclairait la chambre de
Felicite, ayant vue sur les prairies.
Elle se levait des l'aube, pour ne pas manquer la messe, et travaillait
jusqu'au soir sans interruption; puis, le diner etant fini, la vaisselle
en ordre et la porte bien close, elle enfouissait la buche sous les
cendres et s'endormait devant l'atre, son rosaire a la main. Personne,
dans les marchandages, ne montrait plus d'entetement. Quant a la
proprete, le poli de ses casseroles faisait le desespoir des autres
servantes. Econome, elle mangeait avec lenteur, et recueillait du doigt
sur la table les miettes de son pain,--un pain de douze livres, cuit
expres pour elle, et qui durait vingt jours.
En toute saison elle portait un mouchoir d'indienne fixe dans le dos par
une epingle, un bonnet lui cachant les cheveux, des bas gris, un jupon
rouge, et par-dessus sa camisole un tablier a bavette, comme les
infirmieres d'hopital.
Son visage etait maigre et sa voix aigue. A vingt-cinq ans, on lui en
donnait quarante. Des la cinquantaine, elle ne marqua plus aucun
age;--et, toujours silencieuse, la taille droite et les gestes mesures,
semblait une femme en bois, fonctionnant d'une maniere automatique.
II
Elle avait eu, comme une autre, son histoire d'amour.
Son pere, un macon, s'etait tue en tombant d'un echafaudage. Puis sa
mere mourut, ses soeurs se disperserent, un fermier la recueillit, et
l'employa toute petite a garder les vaches dans la campagne. Elle
grelottait sous des haillons, buvait a plat ventre l'eau des mares, a
propos de rien etait battue, et finalement fut chassee pour un vol de
trente sols, qu
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