t plus loin, se cachaient effares,
s'envolaient bien vite.
Il rechercha les solitudes. Mais le vent apportait a son oreille comme
des rales d'agonie; les larmes de la rosee tombant par terre lui
rappelaient d'autres gouttes d'un poids plus lourd. Le soleil, tous les
soirs, etalait du sang dans les nuages; et chaque nuit, en reve, son
parricide recommencait.
Il se fit un cilice avec des pointes de fer. Il monta sur les deux
genoux toutes les collines ayant une chapelle a leur sommet. Mais
l'impitoyable pensee obscurcissait la splendeur des tabernacles, le
torturait a travers les macerations de la penitence.
Il ne se revoltait pas contre Dieu qui lui avait inflige cette action,
et pourtant se desesperait de l'avoir pu commettre.
Sa propre personne lui faisait tellement horreur qu'esperant s'en
delivrer il l'aventura dans des perils. Il sauva des paralytiques des
incendies, des enfants du fond des gouffres. L'abime le rejetait, les
flammes l'epargnaient.
Le temps n'apaisa pas sa souffrance. Elle devenait intolerable. Il
resolut de mourir.
Et un jour qu'il se trouvait au bord d'une fontaine, comme il se
penchait dessus pour juger de la profondeur de l'eau, il vit paraitre en
face de lui un vieillard tout decharne, a barbe blanche et d'un aspect
si lamentable qu'il lui fut impossible de retenir ses pleurs. L'autre,
aussi, pleurait. Sans reconnaitre son image, Julien se rappelait
confusement une figure ressemblant a celle-la. Il poussa un cri; c'etait
son pere; et il ne pensa plus a se tuer.
Ainsi, portant le poids de son souvenir, il parcourut beaucoup de pays;
et il arriva pres d'un fleuve dont la traversee etait dangereuse, a
cause de sa violence et parce qu'il y avait sur les rives une grande
etendue de vase. Personne depuis longtemps n'osait plus le passer.
Une vieille barque, enfouie a l'arriere, dressait sa proue dans les
roseaux. Julien en l'examinant decouvrit une paire d'avirons; et l'idee
lui vint d'employer son existence au service des autres.
Il commenca par etablir sur la berge une maniere de chaussee qui
permettrait de descendre jusqu'au chenal; et il se brisait les ongles a
remuer les pierres enormes, les appuyait contre son ventre pour les
transporter, glissait dans la vase, y enfoncait, manqua perir plusieurs
fois.
Ensuite, il repara le bateau avec des epaves de navires, et il se fit
une cahute avec de la terre glaise et des troncs d'arbres.
Le passage etant connu, les voyageurs se p
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