t sur son corps.
Ensuite, il dit:--"J'ai soif!"
Julien alla chercher sa cruche; et, comme il la prenait, il en sortit un
arome qui dilata son coeur et ses narines. C'etait du vin; quelle
trouvaille! mais le Lepreux avanca le bras, et d'un trait vida toute la
cruche.
Puis il dit:--"J'ai froid!"
Julien, avec sa chandelle, enflamma un paquet de fougeres, au milieu de
la cabane.
Le Lepreux vint s'y chauffer; et, accroupi sur les talons, il tremblait
de tous ses membres, s'affaiblissait; ses yeux ne brillaient plus, ses
ulceres coulaient, et d'une voix presque eteinte, il murmura:
--"Ton lit!"
Julien l'aida doucement a s'y trainer, et meme etendit sur lui, pour le
couvrir, la toile de son bateau.
Le Lepreux gemissait. Les coins de sa bouche decouvraient ses dents, un
rale accelere lui secouait la poitrine, et son ventre, a chacune de ses
aspirations, se creusait jusqu'aux vertebres.
Puis il ferma les paupieres.
--"C'est comme de la glace dans mes os! Viens pres de moi!"
Et Julien, ecartant la toile, se coucha sur les feuilles mortes, pres de
lui, cote a cote.
Le Lepreux tourna la tete.
--"Deshabille-toi, pour que j'aie la chaleur de ton corps!"
Julien ota ses vetements; puis, nu comme au jour de sa naissance, se
replaca dans le lit; et il sentait contre sa cuisse la peau du Lepreux,
plus froide qu'un serpent et rude comme une lime.
Il tachait de l'encourager; et l'autre repondait, en haletant:
--"Ah! je vais mourir!... Rapproche-toi, rechauffe-moi! Pas avec les
mains! non! toute ta personne."
Julien s'etala dessus completement, bouche contre bouche, poitrine sur
poitrine.
Alors le Lepreux l'etreignit; et ses yeux tout a coup prirent une clarte
d'etoiles; ses cheveux s'allongerent comme les rais du soleil; le
souffle de ses narines avait la douceur des roses; un nuage d'encens
s'eleva du foyer, les flots chantaient. Cependant une abondance de
delices, une joie surhumaine descendait comme une inondation dans l'ame
de Julien pame; et celui dont les bras le serraient toujours
grandissait, grandissait, touchant de sa tete et de ses pieds les deux
murs de la cabane. Le toit s'envola, le firmament se deployait;--et
Julien monta vers les espaces bleus, face a face avec Notre-Seigneur
Jesus, qui l'emportait dans le ciel.
Et voila l'histoire de saint Julien l'Hospitalier, telle a peu pres
qu'on la trouve, sur un vitrail d'eglise, dans mon pays.
HERODIAS
I
La ci
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