ts, perces au coeur, n'avaient pas meme bouge. Il
ecoutait attentivement leurs deux rales presque egaux, et, a mesure
qu'ils s'affaiblissaient, un autre, tout au loin, les continuait.
Incertaine d'abord, cette voix plaintive longuement poussee, se
rapprochait, s'enfla, devint cruelle; et il reconnut, terrifie, le
bramement du grand cerf noir.
Et comme il se retournait, il crut voir dans l'encadrure de la porte, le
fantome de sa femme, une lumiere a la main.
Le tapage du meurtre l'avait attiree. D'un large coup d'oeil, elle
comprit tout, et s'enfuyant d'horreur laissa tomber son flambeau.
Il le ramassa.
Son pere et sa mere etaient devant lui, etendus sur le dos avec un trou
dans la poitrine; et leurs visages, d'une majestueuse douceur, avaient
l'air de garder comme un secret eternel. Des eclaboussures et des
flaques de sang s'etalaient au milieu de leur peau blanche, sur les
draps du lit, par terre, le long d'un christ d'ivoire suspendu dans
l'alcove. Le reflet ecarlate du vitrail, alors frappe par le soleil,
eclairait ces taches rouges, et en jetait de plus nombreuses dans tout
l'appartement. Julien marcha vers les deux morts en se disant, en
voulant croire, que cela n'etait pas possible, qu'il s'etait trompe,
qu'il y a parfois des ressemblances inexplicables. Enfin, il se baissa
legerement pour voir de tout pres le vieillard; et il apercut, entre ses
paupieres mal fermees, une prunelle eteinte qui le brula comme du feu.
Puis il se porta de l'autre cote de la couche, occupe par l'autre corps,
dont les cheveux blancs masquaient une partie de la figure. Julien lui
passa les doigts sous ses bandeaux, leva sa tete;--et il la regardait, en
la tenant au bout de son bras roidi, pendant que de l'autre main il
s'eclairait avec le flambeau. Des gouttes, suintant du matelas,
tombaient une a une sur le plancher.
A la fin du jour, il se presenta devant sa femme; et, d'une voix
differente de la sienne, il lui commanda premierement de ne pas lui
repondre, de ne pas l'approcher, de ne plus meme le regarder, et qu'elle
eut a suivre, sous peine de damnation, tous ses ordres qui etaient
irrevocables.
Les funerailles seraient faites selon les instructions qu'il avait
laissees par ecrit, sur un prie-Dieu, dans la chambre des morts. Il lui
abandonnait son palais, ses vassaux, tous ses biens, sans meme retenir
les vetements de son corps, et ses sandales, que l'on trouverait au haut
de l'escalier.
Elle avait obei a la volonte d
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