posait, entoure d'un peuple
tranquille; et chaque jour, une foule passait devant lui, avec des
genuflexions et des baise-mains a l'orientale.
Vetu de pourpre, il restait accoude dans l'embrasure d'une fenetre, en
se rappelant ses chasses d'autrefois; et il aurait voulu courir sur le
desert apres les gazelles et les autruches, etre cache dans les bambous
a l'affut des leopards, traverser des forets pleines de rhinoceros,
atteindre au sommet des monts les plus inaccessibles pour viser mieux
les aigles, et sur les glacons de la mer combattre les ours blancs.
Quelquefois, dans un reve, il se voyait comme notre pere Adam au milieu
du Paradis, entre toutes les betes; en allongeant le bras, il les
faisait mourir; ou bien, elles defilaient, deux a deux, par rang de
taille, depuis les elephants et les lions jusqu'aux hermines et aux
canards, comme le jour qu'elles entrerent dans l'arche de Noe. A l'ombre
d'une caverne, il dardait sur elles des javelots infaillibles; il en
survenait d'autres; cela n'en finissait pas; et il se reveillait en
roulant des yeux farouches.
Des princes de ses amis l'inviterent a chasser. Il s'y refusa toujours,
croyant, par cette sorte de penitence, detourner son malheur; car il lui
semblait que du meurtre des animaux dependait le sort de ses parents.
Mais il souffrait de ne pas les voir, et son autre envie devenait
insupportable.
Sa femme, pour le recreer, fit venir des jongleurs et des danseuses.
Elle se promenait avec lui, en litiere ouverte, dans la campagne;
d'autres fois, etendus sur le bord d'une chaloupe, ils regardaient les
poissons vagabonder dans l'eau, claire comme le ciel. Souvent elle lui
jetait des fleurs au visage; accroupie devant ses pieds, elle tirait des
airs d'une mandoline a trois cordes; puis, lui posant sur l'epaule ses
deux mains jointes, disait d'une voix timide:--"Qu'avez-vous donc, cher
seigneur?"
Il ne repondait pas, ou eclatait en sanglots; enfin, un jour, il avoua
son horrible pensee.
Elle la combattit, en raisonnant tres-bien: son pere et sa mere,
probablement, etaient morts; si jamais il les revoyait, par quel hasard,
dans quel but, arriverait-il a cette abomination? Donc, sa crainte
n'avait pas de cause, et il devait se remettre a chasser.
Julien souriait en l'ecoutant, mais ne se decidait pas a satisfaire son
desir.
Un soir du mois d'aout qu'ils etaient dans leur chambre, elle venait de
se coucher et il s'agenouillait pour sa priere quand il entendi
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