aractere d'anciennete. Les poutrelles du plafond etaient
vermoulues, les murailles noires de fumee, les carreaux gris de
poussiere. Un dressoir en chene supportait toutes sortes d'ustensiles,
des brocs, des assiettes, des ecuelles d'etain, des pieges a loup, des
forces pour les moutons; une seringue enorme fit rire les enfants. Pas
un arbre des trois cours qui n'eut des champignons a sa base, ou dans
ses rameaux une touffe de gui. Le vent en avait jete bas plusieurs. Ils
avaient repris par le milieu; et tous flechissaient sous la quantite de
leurs pommes. Les toits de paille, pareils a du velours brun et inegaux
d'epaisseur, resistaient aux plus fortes bourrasques. Cependant la
charreterie tombait en ruines. Mme Aubain dit qu'elle aviserait, et
commanda de reharnacher les betes.
On fut encore une demi-heure avant d'atteindre Trouville. La petite
caravane mit pied a terre pour passer les _Ecores_; c'etait une falaise
surplombant des bateaux; et trois minutes plus tard, au bout du quai, on
entra dans la cour de l'_Agneau d'or_, chez la mere David.
Virginie, des les premiers jours, se sentit moins faible, resultat du
changement d'air et de l'action des bains. Elle les prenait en chemise,
a defaut d'un costume; et sa bonne la rhabillait dans une cabane de
douanier qui servait aux baigneurs.
L'apres-midi, on s'en allait avec l'ane au-dela des Roches-Noires, du
cote d'Hennequeville. Le sentier, d'abord, montait entre des terrains
vallonnes comme la pelouse d'un parc, puis arrivait sur un plateau ou
alternaient des paturages et des champs en labour. A la lisiere du
chemin, dans le fouillis des ronces, des houx se dressaient; ca et la,
un grand arbre mort faisait sur l'air bleu des zigzags avec ses branches.
Presque toujours on se reposait dans un pre, ayant Deauville a gauche,
le Havre a droite et en face la pleine mer. Elle etait brillante de
soleil, lisse comme un miroir, tellement douce qu'on entendait a peine
son murmure; des moineaux caches pepiaient et la voute immense du ciel
recouvrait tout cela. Mme Aubain, assise, travaillait a son ouvrage de
couture; Virginie pres d'elle tressait des joncs; Felicite sarclait des
fleurs de lavande; Paul, qui s'ennuyait, voulait partir.
D'autres fois, ayant passe la Toucques en bateau, ils cherchaient des
coquilles. La maree basse laissait a decouvert des oursins, des
godefiches, des meduses; et les enfants couraient, pour saisir des
flocons d'ecume que le vent emportait. Les
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