le jappement des talbots valait
celui des bigles chanteurs. Dans une cour a part, grondaient, en
secouant leur chaine et roulant leurs prunelles, huit dogues alains,
betes formidables qui sautent au ventre des cavaliers et n'ont pas peur
des lions.
Tous mangeaient du pain de froment, buvaient dans des auges de pierre,
et portaient un nom sonore.
La fauconnerie, peut-etre, depassait la meute; le bon seigneur, a force
d'argent, s'etait procure des tiercelets du Caucase, des sacres de
Babylone, des gerfauts d'Allemagne, et des faucons-pelerins, captures
sur les falaises, au bord des mers froides, en de lointains pays. Ils
logeaient dans un hangar couvert de chaume, et, attaches par rang de
taille sur le perchoir, avaient devant eux une motte de gazon, ou de
temps a autre on les posait afin de les degourdir.
Des bourses, des hamecons, des chausse-trapes, toute sorte d'engins,
furent confectionnes.
Souvent on menait dans la campagne des chiens d'oysel, qui tombaient
bien vite en arret. Alors des piqueurs, s'avancant pas a pas, etendaient
avec precaution sur leurs corps impassibles un immense filet. Un
commandement les faisait aboyer; des cailles s'envolaient; et les dames
des alentours conviees avec leurs maris, les enfants, les camerieres,
tout le monde se jetait dessus, et les prenait facilement.
D'autres fois, pour debucher les lievres, on battait du tambour; des
renards tombaient dans des fosses, ou bien un ressort, se debandant,
attrapait un loup par le pied.
Mais Julien meprisa ces commodes artifices; il preferait chasser loin du
monde, avec son cheval et son faucon. C'etait presque toujours un grand
tartaret de Scythie, blanc comme la neige. Son capuchon de cuir etait
surmonte d'un panache, des grelots d'or tremblaient a ses pieds bleus;
et il se tenait ferme sur le bras de son maitre pendant que le cheval
galopait, et que les plaines se deroulaient. Julien, denouant ses
longes, le lachait tout a coup; la bete hardie montait droit dans l'air
comme une fleche; et l'on voyait deux taches inegales tourner, se
joindre, puis disparaitre dans les hauteurs de l'azur. Le faucon ne
tardait pas a descendre en dechirant quelque oiseau, et revenait se
poser sur le gantelet, les deux ailes fremissantes.
Julien vola de cette maniere le heron, le milan, la corneille et le
vautour.
Il aimait, en sonnant de la trompe, a suivre ses chiens qui couraient
sur le versant des collines, sautaient les ruisseaux, remontaient
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