jeta la souris dehors, et n'en dit
rien a personne.
Toutes sortes d'oisillons picoraient les graines du jardin. Il imagina
de mettre des pois dans un roseau creux. Quand il entendait gazouiller
dans un arbre, il en approchait avec douceur, puis levait son tube,
enflait ses joues; et les bestioles lui pleuvaient sur les epaules si
abondamment qu'il ne pouvait s'empecher de rire, heureux de sa malice.
Un matin, comme il s'en retournait par la courtine, il vit sur la crete
du rempart un gros pigeon qui se rengorgeait au soleil. Julien s'arreta
pour le regarder; le mur en cet endroit ayant une breche, un eclat de
pierre se rencontra sous ses doigts. Il tourna son bras, et la pierre
abattit l'oiseau qui tomba d'un bloc dans le fosse.
Il se precipita vers le fond, se dechirant aux broussailles, furetant
partout, plus leste qu'un jeune chien.
Le pigeon, les ailes cassees, palpitait, suspendu dans les branches d'un
troene.
La persistance de sa vie irrita l'enfant. Il se mit a l'etrangler; et
les convulsions de l'oiseau faisaient battre son coeur, l'emplissaient
d'une volupte sauvage et tumultueuse. Au dernier roidissement, il se
sentit defaillir.
Le soir, pendant le souper, son pere declara que l'on devait a son age
apprendre la venerie; et il alla chercher un vieux cahier d'ecriture
contenant, par demandes et reponses, tout le deduit des chasses. Un
maitre y demontrait a son eleve l'art de dresser les chiens et
d'affaiter les faucons, de tendre les pieges, comment reconnaitre le
cerf a ses fumees, le renard a ses empreintes, le loup a ses
dechaussures, le bon moyen de discerner leurs voies, de quelle maniere
on les lance, ou se trouvent ordinairement leurs refuges, quels sont les
vents les plus propices, avec l'enumeration des cris et les regles de la
curee.
Quand Julien put reciter par coeur toutes ces choses, son pere lui
composa une meute.
D'abord on y distinguait vingt-quatre levriers barbaresques, plus
veloces que des gazelles, mais sujets a s'emporter; puis dix-sept
couples de chiens bretons, tachetes de blanc sur fond rouge,
inebranlables dans leur creance, forts de poitrine et grands hurleurs.
Pour l'attaque du sanglier et les refuites perilleuses, il y avait
quarante griffons, poilus comme des ours. Des matins de Tartarie,
presque aussi hauts que des anes, couleur de feu, l'echine large et le
jarret droit, etaient destines a poursuivre les aurochs. La robe noire
des epagneuls luisait comme du satin;
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