endards et des mufles de
betes fauves, des armes de tous les temps et de toutes les nations,
depuis les frondes des Amalecites et les javelots des Garamantes
jusqu'aux braquemarts des Sarrasins et aux cottes de mailles des Normands.
La maitresse broche de la cuisine pouvait faire tourner un boeuf; la
chapelle etait somptueuse comme l'oratoire d'un roi. Il y avait meme,
dans un endroit ecarte, une etuve a la romaine; mais le bon seigneur
s'en privait, estimant que c'est un usage des idolatres.
Toujours enveloppe d'une pelisse de renard, il se promenait dans sa
maison, rendait la justice a ses vassaux, apaisait les querelles de ses
voisins. Pendant l'hiver, il regardait les flocons de neige tomber, ou
se faisait lire des histoires. Des les premiers beaux jours, il s'en
allait sur sa mule le long des petits chemins, au bord des bles qui
verdoyaient, et causait avec les manants, auxquels il donnait des
conseils. Apres beaucoup d'aventures, il avait pris pour femme une
demoiselle de haut lignage.
Elle etait tres-blanche, un peu fiere et serieuse. Les cornes de son
hennin frolaient le linteau des portes; la queue de sa robe de drap
trainait de trois pas derriere elle. Son domestique etait regle comme
l'interieur d'un monastere; chaque matin elle distribuait la besogne a
ses servantes, surveillait les confitures et les onguents, filait a la
quenouille ou brodait des nappes d'autel. A force de prier Dieu, il lui
vint un fils.
Alors il y eut de grandes rejouissances, et un repas qui dura trois
jours et quatre nuits, dans l'illumination des flambeaux, au son des
harpes, sur des jonchees de feuillages. On y mangea les plus rares
epices, avec des poules grosses comme des moutons; par divertissement,
un nain sortit d'un pate; et, les ecuelles ne suffisant plus, car la
foule augmentait toujours, on fut oblige de boire dans les oliphants et
dans les casques.
La nouvelle accouchee n'assista pas a ces fetes. Elle se tenait dans son
lit, tranquillement. Un soir, elle se reveilla, et elle apercut, sous un
rayon de la lune qui entrait par la fenetre, comme une ombre mouvante.
C'etait un vieillard en froc de bure, avec un chapelet au cote, une
besace sur l'epaule, toute l'apparence d'un ermite. Il s'approcha de son
chevet et lui dit, sans desserrer les levres:
--"Rejouis-toi, o mere! ton fils sera un saint!"
Elle allait crier; mais, glissant sur le rais de la lune, il s'eleva
dans l'air doucement, puis disparut. Les chants du
|