avait pas ete remportee sans bruit, et ce bruit
(c'etait peut-etre la-dessus que comptait notre gentilhomme), et
ce bruit avait attire aux vitres une dame que notre dompteur de
chevaux salua profondement et qui lui sourit de la facon la plus
agreable.
Cinq minutes apres, madame de Nevers faisait appeler son
intendant.
-- Monsieur, demanda-t-elle, a-t-on fait convenablement dejeuner
M. le comte Annibal de Coconnas?
-- Oui, madame, repondit l'intendant. Il a meme ce matin mange de
meilleur appetit encore que d'habitude.
-- Bien, monsieur! dit la duchesse. Puis se retournant vers son
premier gentilhomme:
-- Monsieur d'Arguzon, dit-elle, partons pour le Louvre et tenez
l'oeil, je vous prie, sur M. le comte Annibal de Coconnas, car il
est blesse, par consequent encore faible, et je ne voudrais pas
pour tout au monde qu'il lui arrivat malheur. Cela ferait rire les
huguenots, qui lui gardent rancune depuis cette bienheureuse
soiree de la Saint-Barthelemy.
Et madame de Nevers, montant a cheval a son tour, partit toute
rayonnante pour le Louvre, ou etait le rendez-vous general.
Il etait deux heures de l'apres-midi, lorsqu'une file de cavaliers
ruisselants d'or, de joyaux et d'habits splendides apparut dans la
rue Saint-Denis, debouchant a l'angle du cimetiere des Innocents,
et se deroulant au soleil entre les deux rangees de maisons
sombres comme un immense reptile aux chatoyants anneaux.
XVI
Le corps d'un ennemi mort sent toujours bon
Nulle troupe, si riche qu'elle soit, ne peut donner une idee de ce
spectacle. Les habits soyeux, riches et eclatants, legues comme
une mode splendide par Francois Ier a ses successeurs, ne
s'etaient pas transformes encore dans ces vetements etriques et
sombres qui furent de mise sous Henri III; de sorte que le costume
de Charles IX, moins riche, mais peut-etre plus elegant que ceux
des epoques precedentes, eclatait dans toute sa parfaite harmonie.
De nos jours, il n'y a plus de point de comparaison possible avec
un semblable cortege; car nous en sommes reduits, pour nos
magnificences de parade, a la symetrie et a l'uniforme.
Pages, ecuyers, gentilshommes de bas etage, chiens et chevaux
marchant sur les flancs et en arriere, faisaient du cortege royal
une veritable armee. Derriere cette armee venait le peuple, ou,
pour mieux dire, le peuple etait partout.
Le peuple suivait, escortait et precedait; il criait a la fois
Noel et Haro, car, dans le cortege, on distingua
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