plusieurs montagnes et plusieurs
vallees avec une infinite de tours et de retours, autant presque qu'il y
a de rues a Paris." Boileau repondait d'Auteuil, en parlant de la Satire
des Femmes qui l'occupait alors: "C'est un ouvrage qui me tue par la
multitude des transitions, qui sont, a mon sens, le plus difficile
chef-d'oeuvre de la poesie." Boileau faisait le vers a la Vauban; les
transitions valent les circonvallations; la grande guerre n'etait pas
encore inventee. Son Epitre sur le passage du Rhin est tout a fait un
tableau de Van der Meulen. On a appele Boileau le janseniste de notre
poesie; _janseniste_ est un peu fort, _gallican_ serait plus vrai. En
effet, la theorie poetique de Boileau ressemble souvent a la theorie
religieuse des eveques de 1682; sage en application, peu consequente aux
principes. C'est surtout dans la querelle des anciens et des modernes et
dans la polemique avec Perrault, que se trahit cette infirmite propre
a la logique du sens commun. Perrault avait reproche a Homere une
multitude de mots bas, et _les mots bas_, selon Longin et Boileau, _sont
autant de marques honteuses qui fletrissent l'expression_. Jaloux de
defendre Homere, Boileau, au lieu d'accueillir bravement la critique
de Perrault et d'en decorer son poete a titre d'eloge, au lieu d'oser
admettre que la cour d'Agamemnon n'etait pas tenue a la meme etiquette
de langage que celle de Louis le Grand, Boileau se rejette sur ce que
Longin, qui reproche des termes bas a plusieurs auteurs et a Herodote en
particulier, ne parle pas d'Homere: preuve evidente que les oeuvres
de ce poete ne renferment point un seul terme bas, et que toutes ses
expressions sont nobles. Mais voila que, dans un petit traite,
Denis d'Halicarnasse, pour montrer que la beaute du style consiste
principalement dans l'arrangement des mots, a cite l'endroit de
l'Odyssee ou, a l'arrivee de Telemaque, les chiens d'Eumee n'aboient
pas et remuent la queue; sur quoi le rheteur ajoute que c'est bien ici
l'arrangement et non le choix des mots qui fait l'agrement; car, dit-il,
la plupart des mots employes sont _tres-vils_ et _tres-bas_. Racine
lit, un jour, cette observation de Denis d'Halicarnasse, et vite il
la communique a Boileau qui niait les termes pretendus vils et bas,
reproches par Perrault a Homere: "J'ai fait reflexion, lui ecrit Racine,
qu'au lieu de dire que le mot d'ane est en grec un mot tres-noble, vous
pourriez vous contenter de dire que c'est un mot qui n'a rien
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