sie, d'un tour singulier, ou la vertu
trouve moyen de s'accommoder avec l'oisivete, ou _les Phyllis_ se
placent a cote de l'Etre supreme, et qui fait naitre un sourire dans une
larme? Que La Fontaine n'a-t-il connu _le Dieu des bonnes gens_? il lui
en aurait moins coute pour se convertir.
Au premier abord, et a ne juger que par les oeuvres, l'art et le travail
paraissent tenir peu de place chez La Fontaine, et si l'attention de
la critique n'avait ete eveillee sur ce point par quelques mots de ses
prefaces et par quelques temoignages contemporains, on n'eut jamais
songe probablement a en faire l'objet d'une question. Mais le poete
_confesse_, en tete de _Psyche_, que _la prose lui coute autant que
les vers_. Dans une de ses dernieres fables au duc de Bourgogne, il se
plaint de _fabriquer a force de temps_ des vers moins senses que la
prose du jeune prince. Ses manuscrits presentent beaucoup de ratures et
de changements; les memes morceaux y sont recopies plusieurs fois, et
souvent avec des corrections heureuses. Par exemple, on a retrouve,
tout entiere de sa main, une premiere ebauche de la fable intitulee _le
Renard, les Mouches et le Herisson_; et, en la comparant a celle qu'il
a fait imprimer, on voit que les deux versions n'ont de commun que deux
vers. Il est meme plaisant de voir quel soin religieux il apporte aux
errata: "Il s'est glisse, dit-il en tete de son second recueil, quelques
fautes dans l'impression. J'en ai fait faire un errata; mais ce sont de
legers remedes pour un defaut considerable. Si on veut avoir quelque
plaisir de la lecture de cet ouvrage, il faut que chacun fasse corriger
ces fautes a la main dans son exemplaire, ainsi qu'elles sont marquees
par chaque errata, aussi bien pour les deux premieres parties que pour
les dernieres." Que conclure de toutes ces preuves? Que La Fontaine
etait de l'ecole de Boileau et de Racine en poesie; qu'il suivait les
memes procedes de composition studieuse, et qu'il faisait difficilement
ses vers faciles? pas le moins du monde: La Fontaine me l'affirmerait en
face, que je le renverrais a Baruch, et que je ne le croirais pas. Mais
il avait, comme tout poete, ses secrets, ses finesses, sa correction
relative; il s'en souciait peu ou point dans ses lettres en vers; peu
encore, mais davantage, dans ses contes; il y visait tout a fait dans
ses fables. Sa paresse lui grossissait la peine, et il aimait a s'en
plaindre par manie. La Fontaine lisait beaucoup, non-seulemen
|