Pleurs abondants comme les votres,
O le plus tendre des apotres,
Avant le jour d'Alleluia!
Priere confuse et muette,
Effusion de saints desirs,
Quel luth se fera l'interprete
De ces sanglots, de ces soupirs?
Qui demelera le mystere
De ce coeur qui ne peut se taire,
Et qui pourtant n'a point de voix?
Qui dira le sens des murmures
Qu'eveille a travers les ramures
Le vent d'automne dans les bois?
C'etait une offrande avec plainte,
Comme Abraham en sut offrir;
C'etait une derniere etreinte
Pour l'enfant qu'on a vu nourrir;
C'etait un retour sur lui-meme,
Pecheur releve d'anatheme,
Et sur les erreurs du passe;
Un cri vers le Juge sublime,
Pour qu'en faveur de la victime
Tout le reste fut efface.
C'etait un reve d'innocence,
Et qui le faisait sangloter,
De penser que, des son enfance,
Il aurait pu ne pas quitter
Port-Royal et son doux rivage,
Son vallon calme dans l'orage,
Refuge propice aux devoirs;
Ses chataigniers aux larges ombres,
Au dedans les corridors sombres,
La solitude des parloirs.
Oh! si, les yeux mouilles encore,
Ressaisissant son luth dormant,
Il n'a pas dit, a voix sonore,
Ce qu'il sentait en ce moment;
S'il n'a pas raconte, poete,
Son ame pudique et discrete,
Son holocauste et ses combats,
Le Maitre qui tient la balance
N'a compris que mieux son silence:
O mortels, ne le blamez pas!
Celui qu'invoquent nos prieres
Ne fait pas descendre les pleurs
Pour etinceler aux paupieres,
Ainsi que la rosee aux fleurs;
Il ne fait pas sous son haleine
Palpiter la poitrine humaine,
Pour en tirer d'aimables sons;
Mais sa rosee est fecondante;
Mais son haleine, immense, ardente,
Travaille a fondre nos glacons.
Qu'importent ces chants qu'on exhale,
Ces harpes autour du saint lieu;
Que notre voix soit la cymbale
Marchant devant l'arche de Dieu;
Si l'ame, trop tot consolee,
Comme une veuve non voilee
Dissipe ce qu'il faut sentir;
Si le coupable prend le change,
Et tout ce qu'il paye en louange,
S'il le retranche au repentir?
Les derniers sentiments exprimes dans cette piece ne furent point
etrangers a l'ame de Racine. Dans un tres-beau cantique _sur la
Charite_, imite de saint Paul, il dit lui-meme, en des termes assez
semblables, et dont notre ami parait s'etre souvenu:
En vain je parlerais le langage des Anges,
En vain, mon Dieu, de tes louanges
Je re
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