and les demi-dieux ne sont morts que d'hier, quand la force et la
vertu ne sont toujours qu'une meme chose, et que le plus adroit a la
lutte, le plus rapide a la course, est aussi le plus pieux, le plus
sage et le plus vaillant, le chantre lyrique, veritable pretre comme le
statuaire, decernera au milieu d'une solennelle harmonie les louanges
des vainqueurs; il dira les noms des coursiers et s'ils sont de race
genereuse; il parlera des aieux et des fondateurs de villes, et
reclamera les couronnes, les coupes ciselees et les trepieds d'or. Il
sera lyrique aussi, bien qu'avec moins de grandeur et de gloire, celui
qui, vivant dans les loisirs de l'abondance et a la cour des tyrans,
chantera les delices gracieuses de la vie et les pensees tristes qui
viendront parfois l'effleurer dans les plaisirs. Et a toutes les
epoques de trouble et de renouvellement, quiconque, temoin des orages
politiques, en saisira par quelque cote le sens profond, la loi sublime,
et repondra a chaque accident aveugle par un echo intelligent et
sonore; ou quiconque, en ces jours de revolution et d'ebranlement, se
recueillera en lui-meme et s'y fera un monde a part, un monde poetique
de sentiments et d'idees, d'ailleurs anarchique ou harmonieux, funeste
ou serein, de consolation ou de desespoir, ciel, chaos ou enfer; ceux-la
encore seront lyriques, et prendront place entre le petit nombre dont se
souvient l'humanite et dont elle adore les noms. Nous voila bien loin de
Jean-Baptiste; il n'a rien ete de tout cela. Fils honteux de son pere,
sans enfance, vain, malicieux, clandestin, obscene en propos, de vie
equivoque, ballotte des cafes aux antichambres, il eut ete bon peut-etre
a donner quelques jolies chansons au _Temple_, s'il avait eu plus de
sensibilite, de naturel et de mollesse. On lui a fait honneur, et
Chaulieu l'a felicite agreablement, d'avoir refuse une place dans les
Fermes, que lui offrait le ministre Chamillart; mais ce refus nous
semble moins tenir a des principes d'honorable independance, qu'au gout
qu'avait Rousseau pour la vie de Paris et les tripots litteraires. Sans
dire positivement qu'il fut un malhonnete homme, sans trancher ici la
question restee indecise des derniers couplets, on peut affirmer que
ce fut un coeur bas, un caractere louche, tracassier, ne pour la
domesticite des grands seigneurs; avec cela, nul genie, peu d'esprit,
tout en metier. Quand il eut quitte la France en 1712, et durant les
trente annees _dignes de pitie_
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