de plus, moins inachevees qu'il n'avait semble
jusqu'ici; heureux d'apporter a notre tour aujourd'hui un nouveau petit
affluent a cette pure gloire!
Et d'abord rendons, reservons au premier editeur l'honneur et la
reconnaissance qui lui sont dus. M. de Latouche, dans son edition de
1819, a fait des manuscrits tout l'usage qui etait possible et desirable
alors; en choisissant, en elaguant avec gout, en etant sobre surtout de
fragments et d'ebauches, il a agi dans l'interet du poete et comme dans
son intention, il a servi sa gloire. Depuis lors, dans l'edition de
1833, il a ete juge possible d'introduire de nouvelles petites pieces,
de simples restes qui avaient ete negliges d'abord: c'est ce genre de
travail que nous venons poursuivre, sans croire encore l'epuiser. Il en
est un peu avec les manuscrits d'Andre Chenier comme avec le panier de
cerises de madame de Sevigne: on prend d'abord les plus belles, puis les
meilleures restantes, puis les meilleures encore, puis toutes.
La partie la plus riche et la plus originale des manuscrits porte sur
les poemes inacheves: _Suzanne_, _Hermes_, _l'Amerique_. On a publie
dans l'edition de 1833 les morceaux en vers et les canevas en prose
du poeme de _Suzanne_. Je m'attacherai ici particulierement au poeme
d'_Hermes_, le plus philosophique de ceux que meditait Andre, et celui
par lequel il se rattache le plus directement a l'idee de son siecle.
Andre, par l'ensemble de ses poesies connues, nous apparait, avant 89,
comme le poete surtout de l'art pur et des plaisirs, comme l'homme de
la Grece antique et de l'elegie. Il semblerait qu'avant ce moment
d'explosion publique et de danger ou il se jeta si genereusement a la
lutte, il vecut un peu en dehors des idees, des predications favorites
de son temps, et que, tout en les partageant peut-etre pour les
resultats et les habitudes, il ne s'en occupat point avec ardeur et
premeditation. Ce serait pourtant se tromper beaucoup que de le juger un
artiste si desinteresse; et l'_Hermes_ nous le montre aussi pleinement
et aussi chaudement de son siecle, a sa maniere, que pouvaient l'etre
Haynal ou Diderot.
La doctrine du XVIIIe siecle etait, au fond, le materialisme, ou le
pantheisme, ou encore le naturalisme, comme on voudra l'appeler; elle a
eu ses philosophes, et meme ses poetes en prose, Boulanger, Buffon; elle
devait provoquer son Lucrece. Cela est si vrai, et c'etait tellement le
mouvement et la pente d'alors de solliciter un tel po
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