us pas de honte?
Des moeurs saintes jadis furent votre tresor.
Vos vierges, aujourd'hui riches de pourpre et d'or,
Ouvrent leur jeune bouche a des chants adulteres.
Helas! qu'avez-vous fait des maximes austeres
De ce berger sacre que Minerve autrefois
Daignait former en songe a vous donner des lois?"
Disant ces mots, il sort... Elle etait interdite;
Son oeil noir s'est mouille d'une larme subite;
Nous l'avons consolee, et ses ris ingenus,
Ses chansons, sa gaiete, sont bientot revenus.
Un jeune Thurien[67], aussi beau qu'elle est belle
(Son nom m'est inconnu), sortit presque avec elle:
Je crois qu'il la suivit et lui fit oublier
Le grave Pythagore et son grave ecolier.
[Note 67: _Thurii_, colonie grecque fondee aux environs de Sybaris,
dans le golfe de Tarente, par les Atheniens.]
Parmi les iambes inedits, j'en trouve un dont le debut rappelle, pour la
forme, celui de la gracieuse elegie; c'est un brusque reproche que le
poete se suppose adresse par la bouche de ses adversaires, et auquel il
repond soudain en l'interrompant:
Sa langue est un fer chaud; dans ses veines brulees
Serpentent des fleuves de fiel."
J'ai douze ans, en secret, dans les doctes vallees,
Cueilli le poetique miel:
Je veux un jour ouvrir ma ruche tout entiere;
Dans tous mes vers on pourra voir
Si ma muse naquit haineuse et meurtriere.
Frustre d'un amoureux espoir,
Archiloque aux fureurs du belliqueux iambe
Immole un beau-pere menteur;
Moi, ce n'est point au col d'un perfide Lycambe
Que j'apprete un lacet vengeur.
Ma foudre n'a jamais tonne pour mes injures.
La patrie allume ma voix;
La paix seule aguerrit mes pieuses morsures,
Et mes fureurs servent les lois.
Contre les noirs Pythons et les Hydres fangeuses,
Le feu, le fer, arment mes mains;
Extirper sans pitie ces betes veneneuses,
C'est donner la vie aux humains.
Sur un petit feuillet, a travers une quantite d'abreviations et de mots
grecs substitues aux mots francais correspondants, mais que la rime rend
possibles a retrouver, on arrive a lire cet autre iambe ecrit pendant
les fetes theatrales de la Revolution apres le 10 aout; l'exces des
precautions indique deja l'approche de la Terreur:
Un vulgaire assassin va chercher les tenebres,
Il nie, il jure sur l'autel;
Mais, nous, grands, libres, fiers, a nos exploits funebres,
A nos turpitudes celebres,
Nous voulons attacher un eclat immortel.
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