II, p. 108), l'aversion qu'il concut de bonne heure pour les faciles
et dangereux plaisirs. Ce jeune homme, abandonne, necessiteux, ardent,
dont la plume acquit par la suite un renom d'impurete; qui, selon son
propre temoignage, possedait assez bien son Petrone, et des petits
madrigaux infames de Catulle pouvait reciter les trois quarts sans
honte; ce jeune homme echappa a la corruption du vice, et, dans l'age le
plus furieux, parvint a sauver les tresors de ses sens et les illusions
de son coeur. Il dut ce bienfait a l'amour. La jeune fille qu'il aima
etait une demoiselle dechue, une ouvriere pauvre, vivant honnetement
avec sa mere du travail de ses mains. Diderot la connut comme voisine,
la desira eperdument, se fit agreer d'elle, et l'epousa malgre les
remontrances economiques de la mere; seulement il contracta ce mariage
en secret, pour eviter l'opposition de sa propre famille, que trompaient
sur son compte de faux rapports. Jean-Jacques, dans ses _Confessions_, a
juge fort dedaigneusement l'Annette de Diderot, a laquelle il prefere
de beaucoup sa Therese. Sans nous prononcer entre ces deux compagnes
de grands hommes, il parait en effet que, bonne femme au fond, madame
Diderot etait d'un caractere tracassier, d'un esprit commun, d'une
education vulgaire, incapable de comprendre son mari et de suffire a
ses affections. Tous ces facheux inconvenients, que le temps developpa,
disparurent alors dans l'eclat de sa beaute. Diderot eut d'elle jusqu'a
quatre enfants, dont un seul, une fille, survecut. Apres une de ses
premieres couches, il expedia la mere et sans doute aussi le nourrisson
a Langres, pres de sa famille, pour forcer la reconciliation. Ce moyen
pathetique reussit, et toutes les preventions qui avaient dure des
annees s'evanouirent en vingt-quatre heures. Cependant, accable de
nouvelles charges, livre a des travaux penibles, traduisant, aux gages
des libraires, quelques ouvrages anglais, une _Histoire de la Grece_, un
_Dictionnaire de Medecine_, et meditant deja l'Encyclopedie, Diderot se
desenchanta bien promptement de cette femme, pour laquelle il avait si
pesamment greve son avenir. Madame de Puisieux (autre erreur) durant dix
annees, mademoiselle Voland, la seule digne de son choix, durant toute
la seconde moitie de sa vie, quelques femmes telles que madame de
Prunevaux plus passagerement, l'engagerent dans des liaisons etroites
qui devinrent comme le tissu meme de son existence interieure. Madame de
Puisieu
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