gie de l'epoque, comme rappel a la verite des
moeurs, a la realite des sentiments, a l'observation de la nature;
il echoua des qu'il voulut pratiquer. Sans doute l'idee de morale le
preoccupa outre mesure; il y subordonna le reste, et en general, dans
toute son esthetique, il meconnut les limites, les ressources propres
et la circonscription des beaux-arts; il concevait trop le drame
en moraliste, la statuaire et la peinture en litterateur; le style
essentiel, l'execution mysterieuse, la touche sacree, ce je ne sais quoi
d'accompli, d'acheve, qui est a la fois l'indispensable, ce _sine qua
non_ de confection dans chaque oeuvre d'art pour qu'elle parvienne a
l'adresse de la posterite,--sans doute ce coin precieux lui a echappe
souvent; il a tatonne alentour, et n'y a pas toujours pose le doigt
avec justesse; Falconnet et Sedaine lui ont cause de ces eblouissements
d'enthousiasme que nous ne pouvons lui passer que pour Terence, pour
Richardson et pour Greuze: voila les defauts. Mais aussi que de verve,
que de raison dans les details! quelle chaude poursuite du vrai, du bon,
de ce qui sort du coeur! quel exemplaire sentiment de l'antique dans
ce siecle irreverent! quelle critique penetrante, honnete, amoureuse,
jusqu'alors inconnue! comme elle epouse son auteur des qu'elle y prend
gout! comme elle le suit, l'enveloppe, le developpe, le choie
et l'adore! Et, tout optimiste qu'elle est et un peu sujette a
l'engouement, ne la croyez pas dupe toujours. Demandez plutot a l'auteur
des _Saisons_, a M. de Saint-Lambert, _qui, entre les gens de lettres,
est une des peaux les plus sensibles_ (nous dirions aujourd'hui _un des
epidermes_); a M. de La Harpe, qui a _du nombre, de l'eloquence, du
style, de la raison, de la sagesse, mais rien qui lui batte au-dessous
de la mamelle gauche_,
_... Quod laeva in parte mamillae
Nil salit Arcadico juveni..._
JUV.
Demandez a l'abbe Raynal, _qui serait sur la ligne de M. de La Harpe,
s'il avait un peu moins d'abondance et un peu plus de gout_; au digne,
au sage et honnete Thomas enfin, qui, a l'oppose du meme M. de La Harpe,
_met tout en montagnes, comme l'autre met tout en plaines_, et qui, en
ecrivant _sur les femmes_, a trouve moyen de composer _un si bon, un si
estimable livre, mais un livre qui n'a pas de sexe_.
En prononcant le nom de femmes, nous avons touche la source la plus
abondante et la plus vive du talent de Diderot comme artiste. Ses
meilleurs morceaux, les plus delici
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