onsequence du
siecle. Ces messieurs niaient le sens moral inne, le motif essentiel et
desinteresse de la vertu, pour lequel plaidait Diderot. "Le plaisant,
ajoute-t-il, c'est que, la dispute a peine terminee, ces honnetes gens
se mirent, sans s'en apercevoir, a dire les choses les plus fortes en
faveur du sentiment qu'ils venaient de combattre, et a faire eux-memes
la refutation de leur opinion. Mais Socrate, a ma place, la leur aurait
arrachee." Il dit en un endroit au sujet de Grimm: "La severite des
principes de notre ami se perd; il distingue deux morales, une a l'usage
des souverains." Toutes ces idees excellentes sur la vertu, la morale
et la nature, lui revinrent sans doute plus fortes que jamais dans le
recueillement et l'espece de solitude qu'il tacha de se procurer durant
les annees souffrantes de sa vieillesse. Plusieurs de ses amis etaient
morts, les autres disperses; mademoiselle Voland et Grimm lui manquaient
souvent. Aux conversations desormais fatigantes, il preferait la robe de
chambre et sa bibliotheque du cinquieme sous les tuiles, au coin de la
rue Taranne et de celle de Saint-Benoit; il lisait toujours, meditait
beaucoup et soignait avec delices l'education de sa fille. Sa vie
bienfaisante, pleine de bons conseils et de bonnes oeuvres, dut lui etre
d'un grand apaisement interieur; et toutefois peut-etre, a de certains
moments, il lui arrivait de se redire cette parole de son vieux pere:
"Mon fils, mon fils, c'est un bon oreiller que celui de la raison; mais
je trouve que ma tete repose plus doucement encore sur celui de la
religion et des lois."--Il mourut en juillet 1784[91].
[Note 91: Trois ou quatre ans avant la mort de Diderot, Garat, alors
a ses debuts, publia dans quelque almanach litteraire le recit d'une
_visite_ qu'il avait faite au philosophe, recit piquant, un peu
burlesque, ou les qualites naives de l'original sont prises en
caricature. Diderot s'en montra tres-mecontent. Garat presageait par ce
trait son talent de plume, mais aussi sa legerete morale. Cette _visite
chez Diderot_, qu'on peut lire recueillie par M. Auguis dans ses
_Revelations indiscretes du XVIIIe siecle_, est peut-etre le premier
exemple en notre litterature du style _a la Janin_; dans ce genre de
charge fine, l'echantillon de Garat reste charmant.]
Comme artiste et critique, Diderot fut eminent. Sans doute sa theorie du
drame n'a guere de valeur que comme dementi donne au convenu, au faux
gout, a l'eternelle mytholo
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