se trouvait alors en Angleterre. Il alla droit a une panoplie
d'armes rares suspendue dans le cabinet de son ami, et il se munit d'un
sabre, d'un fusil et de pistolets. Madame Colin essayait de le retenir
et lui recommandait la prudence: "Eh! qui se devouera, madame, lui
repondit-il, si nous, qui n'avons ni femme ni enfants, nous ne bougeons
pas?" Et il sortit pour parcourir la ville. L'aspect du mouvement lui
parut d'abord plus incertain qu'il n'aurait souhaite; il vit quelques
amis: les conjectures etaient contradictoires. Il courut au bureau du
_Globe_, et de la a la maison de sante de M. Pinel, a Chaillot, ou M.
Dubois, redacteur en chef du journal, etait detenu. Les troupes royales
occupaient les Champs-Elysees, et il lui fallut passer la nuit dans
l'appartement de M. Dubois. Son idee fixe, sa crainte etait le manque de
direction; il cherchait les chefs du mouvement, des noms signales, et il
n'en trouvait pas. Il revint le jeudi de grand matin a la ville, par le
faubourg et la rue Saint-Honore, de compagnie avec M. Magnin; chemin
faisant, la vue de quelques cadavres lui remit la colere au coeur et
aussi l'espoir. Arrive a la rue Dauphine, il se separa de M. Magnin en
disant: "Pour moi, je vais reprendre mon fusil que j'ai laisse ici pres,
et me battre." Il revit pourtant dans la matinee M. Cousin, qui voulut
le retenir a la mairie du onzieme arrondissement, et M. Geruzez, auquel
il dit cette parole d'une magnanime equite: "Voici des evenements dont,
plus que personne, nous profiterons; c'est donc a nous d'y prendre part
et d'y aider[80]." Il se porta avec les attaquants vers le Louvre, du
cote du Carrousel; les soldats royaux faisaient un feu nourri dans la
rue de Rohan, du haut d'un balcon qui est a l'angle de cette rue et de
la rue Saint-Honore; Farcy, qui debouchait au coin de la rue de Rohan et
de celle de Montpensier, tomba l'un des premiers, atteint de haut en bas
d'une balle dans la poitrine. C'est la, et non, comme on l'a fait, a la
porte de l'hotel de Nantes, que devrait etre placee la pierre funeraire
consacree a sa memoire. Farcy survecut pres de deux heures a sa
blessure. M. Littre, son ami, qui combattait au meme rang et aux pieds
duquel il tomba, le fit transporter a la distance de quelques pas, dans
la maison du marchand de vin, et le hasard lui amena precisement M.
Loyson, jeune chirurgien de sa connaissance. Mais l'art n'y pouvait
rien: Farcy parla peu, bien qu'il eut toute sa presence d'esprit. M.
L
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