De l'oubli taciturne et de son onde noire
Nous savons detourner le cours.
Nous appelons sur nous l'eternelle memoire;
Nos forfaits, notre unique histoire,
Parent de nos cites les brillants carrefours.
O gardes de Louis, sous les voutes royales
Par nos menades dechires,
Vos tetes sur un fer ont, pour nos bacchanales,
Orne nos portes triomphales,
Et ces bronzes hideux, nos monuments sacres.
Tout ce peuple hebete que nul remords ne touche,
Cruel meme dans son repos,
Vient sourire aux succes de sa rage farouche,
Et, la soif encore a la bouche,
Ruminer tout le sang dont il a bu les flots.
Arts dignes de nos yeux! pompe et magnificence
Dignes de notre liberte,
Dignes des vils tyrans qui devorent la France,
Dignes de l'atroce demence
Du stupide David qu'autrefois j'ai chante!
Depuis l'aimable enfant au bord des mers, qui joue de la double flute
aux dauphins accourus, nous avons touche tous les tons. C'est peut-etre
au lendemain meme de ce dernier iambe rutilant, que le poete, en quelque
secret voyage a Versailles, adressait cette ode heureuse a Fanny:
Mai de moins de roses, l'automne
De moins de pampres se couronne,
Moins d'epis flottent en moissons,
Que sur mes levres, sur ma lyre,
Fanny, tes regards, ton sourire,
Ne font eclore de chansons.
Les secrets pensers de mon ame
Sortent en paroles de flamme,
A ton nom doucement emus:
Ainsi la nacre industrieuse
Jette sa perle precieuse,
Honneur des sultanes d'Ormuz.
Ainsi, sur son murier fertile,
Le ver du Cathay mele et file
Sa trame etincelante d'or.
Viens, mes Muses pour ta parure
De leur soie immortelle et pure
Versent un plus riche tresor.
Les perles de la poesie
Forment, sous leurs doigts d'ambroisie,
D'un collier le brillant contour.
Viens, Fanny: que ma main suspende
Sur ton sein cette noble offrande...
La piece reste ici interrompue; pourtant je m'imagine qu'il n'y manque
qu'un seul vers, et possible a deviner; je me figure qu'a cet appel
flatteur et tendre, au son de cette voix qui lui dit _Viens_, Fanny
s'est approchee en effet, que la main du poete va poser sur son sein nu
le collier de poesie, mais que tout d'un coup les regards se troublent,
se confondent, que la poesie s'oublie, et que le poete comble s'ecrie,
ou plutot murmure en finissant:
Tes bras sont le collier d'amour[68]!
[Note 68: Ou peut-etre plus simplement:
Ton sein est le t
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