eur de Gherard nageait dans la joie, et ses yeux rayonnants allaient
chercher les yeux d'Helene sous leurs paupieres abaissees. "Oh! ma belle
amie, lui dit-il en la retenant, comme un bon chretien, j'aurais
baise la main qui m'eut frappe; voudriez-vous m'empecher d'achever ma
penitence?" Et plus hardi a mesure qu'elle etait plus confuse, il la
serra dans ses bras, et il rendit a ses levres qui fuyaient les siennes,
le baiser qu'il en avait recu.
"Elle alla s'asseoir a quelques pas de lui, et l'heureux Gherard, pour
dissiper le trouble qu'il avait cause, commenca a l'entretenir de ses
projets pour le lendemain, auxquels il voulait l'associer.--"Gherard,
lui dit-elle apres un long silence, ces folies d'aujourd'hui,
oubliez-les, je vous en prie, et n'abusez pas d'un moment..."--"Ah! dit
Gherard, que le Ciel me punisse si jamais je l'oublie! Mais vous, oh!
promettez-moi que cet instant passe, vous ne vous en souviendrez pas
pour me faire expier a force de froideur et de reserve un bonheur si
grand. Et moi, ma belle amie, vous m'avez mis a une ecole trop severe
pour que je ne tremble pas de paraitre fier d'une faveur."
"Eh bien! je vous le promets, dit-elle en souriant; soyez donc sage." Et
Gherard le lui jura, en baisant sa main qu'il pressa sur son coeur."
Durant les deux derniers mois de sa vie, Farcy avait loue une petite
maison dans le charmant vallon d'Aulnay, pres de Fontenay-aux-Roses ou
l'appelaient ses occupations. Cette convenance, la douceur du lieu, le
voisinage des bois, l'amitie de quelques habitants du vallon, peut-etre
aussi le souvenir des noms celebres qui ont passe la, les parfums
poetiques que les camelias de Chateaubriand ont laisses alentour, tout
lui faisait d'Aulnay un sejour de bonne, de simple et delicieuse vie. Il
realisait pour son compte le voeu qu'un poete de ses amis avait laisse
echapper autrefois en parcourant ce joli paysage:
Que ce vallon est frais, et que j'y voudrais vivre!
Le matin, loin du bruit, quel bonheur d'y poursuivre
Mon doux penser d'hier qui, de mes doigts tresse,
Tiendrait mon lendemain a la veille enlace!
La, mille fleurs sans nom, delices de l'abeille;
La, des pres tout remplis de fraise et de groseille;
Des bouquets de cerise aux bras des cerisiers;
Des gazons pour tapis, pour buissons des rosiers;
Des chataigniers en rond sous le coteau des aulnes;
Les sentiers du coteau melant leurs sables jaunes
Au vert doux et touffu des endroits non fray
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