haque monde roule sur lui-meme et roule aussi autour du centre.
Tous ont leurs lois a part, et toutes ces lois diverses tendent a une
loi commune et forment l'univers...
Mais ces soleils assis dans leur centre brulant,
Et chacun roi d'un monde autour de lui roulant,
Ne gardent point eux-meme une immobile place:
Chacun avec son monde emporte dans l'espace,
Ils cheminent eux-meme: un invincible poids
Les courbe sous le joug d'infatigables lois,
Dont le pouvoir sacre, necessaire, inflexible,
Leur fait poursuivre a tous un centre irresistible."
C'etait une bien grande idee a Andre que de consacrer ainsi ce troisieme
chant a la description de l'ordre dans la societe d'abord, puis a
l'expose de l'ordre dans le systeme du monde, qui devenait l'ideal
reflechissant et supreme.
Il etablit volontiers ses comparaisons d'un ordre a l'autre: "On peut
comparer, se dit-il, les ages instruits et savants, qui eclairent ceux
qui viennent apres, a la queue etincelante des cometes."
Il se promettait encore de "comparer les premiers hommes civilises, qui
vont civiliser leurs freres sauvages, aux elephants prives qu'on envoie
apprivoiser les farouches; et par quels moyens ces derniers."--Hasard
charmant! l'auteur du _Genie du Christianisme_, celui meme a qui l'on
a du de connaitre d'abord l'etoile poetique d'Andre et _la Jeune
Captive_[55], a rempli comme a plaisir la comparaison desiree, lorsqu'il
nous a montre les missionnaires du Paraguay remontant les fleuves en
pirogues, avec les nouveaux catechumenes qui chantaient de saints
cantiques: "Les neophytes repetaient les airs, dit-il, comme des oiseaux
prives chantent pour attirer dans les rets de l'oiseleur les oiseaux
sauvages."
[Note 55: M. de Chateaubriand tenait cette piece de madame de
Beaumont, soeur de M. de La Luzerne, sous qui Andre avait ete attache
a l'ambassade d'Angleterre: elle-meme avait directement connu le
poete.--La piece de _la Jeune Captive_ avait ete deja publiee dans _la
Decade_ le 20 nivose an III, moins de six mois apres la mort du poete;
mais elle y etait restee comme enfouie.]
Le poete, pour completer ses tableaux, aurait parle prophetiquement de
la decouverte du Nouveau-Monde: "O Destins, hatez-vous d'amener ce grand
jour qui... qui...; mais non, Destins, eloignez ce jour funeste, et,
s'il se peut, qu'il n'arrive jamais!" Et il aurait fletri les horreurs
qui suivirent la conquete. Il n'aurait pas moins presage Gama et
triomphe avec lu
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