enes du meme genre qu'il pouvait choisir et retracer[48].
[Note 46: Pour juger Andre Chenier comme homme politique, il faut
parcourir le _Journal de Paris_ de 90 et 91; sa signature s'y retrouve
frequemment, et d'ailleurs sa marque est assez sensible.--Relire aussi
comme temoignage de ses pensees intimes et combattues, vers le meme
temps, l'admirable ode: _O Versailles, o bois, o portiques!_ etc., etc.]
[Note 47: La fierte delicate d'Andre Chenier etait telle que, durant
ce sejour a Londres, comme les fonctions d'_attache_ n'avaient rien
de bien actif et que le premier secretaire faisait tout, il s'abstint
d'abord de toucher ses appointements, et qu'il fallut qu'un jour M. de
La Luzerne trouvat cela mauvais et le dit un peu haut pour l'y decider.]
[Note 48: Dans tout ce qui precede, j'avais suppose, d'apres la
Notice et l'Edition de M. de Latouche, qu'Andre Chenier devait etre
a Londres en decembre 1782, et que les vers et la prose ou il en
maudissait le sejour etaient du meme temps et de sa premiere jeunesse.
J'avais suppose aussi (page 161) qu'il n'etait plus attache a
l'ambassade d'Angleterre aux approches de la Revolution et des 1788.
Mais les indications donnees par M. de Latouche, a cet egard, paraissent
peu exactes: une Biographie d'Andre Chenier reste a faire (1852).]
Les styles d'Andre Chenier et de Regnier, avons-nous deja dit, sont un
parfait modele de ce que notre langue permet au genie s'exprimant en
vers, et ici nous n'avons plus besoin de separer nos eloges. Chez l'un
comme chez l'autre, meme procede chaud, vigoureux et libre; meme luxe
et meme aisance de pensee, qui pousse en tous sens et se developpe
en pleine vegetation, avec tous ses embranchements de relatifs et
d'incidences entre-croisees ou pendantes; meme profusion d'irregularites
heureuses et familieres, d'idiotismes qui sentent leur fruit, graces et
ornements inexplicables qu'ont sottement emondes les grammairiens, les
rheteurs et les analystes; meme promptitude et sagacite de coup d'oeil a
suivre l'idee courante sous la transparence des images, et a ne pas la
laisser fuir, dans son court trajet de telle figure a telle autre; meme
art prodigieux enfin a mener a extremite une metaphore, a la pousser de
tranchee en tranchee, et a la forcer de rendre, sans capitulation, tout
ce qu'elle contient; a la prendre a l'etat de filet d'eau, a l'epandre,
a la chasser devant soi, a la grossir de toutes les affluences
d'alentour, jusqu'a ce qu'elle s'en
|