place a toute force dans le prochain discours. Ce qui
est bien de lui, c'est le prosaique, le commun, la declamation a vide,
ou encore le mauvais gout, comme les _livrees de Vertumne_ et les
_haleines qui fondent l'ecorce des eaux_. A vrai dire, le style de
Rousseau n'existe pas.
Notre opinion sur Jean-Baptiste est dure, mais sincere; nous la
preciserons davantage encore. Si, en juin 1829, un jeune homme de vingt
ans, inconnu, nous arrivait un matin d'Auxerre ou de Rouen avec un
manuscrit contenant le _Cantique d'Ezechias_, l'_Ode au comte du Luc_ et
la _Cantate de Circe_, ou l'equivalent, apres avoir jete un coup d'oeil
sur les trois chefs-d'oeuvre, on lui dirait, ce me semble, ou du moins
on penserait a part soi: "Ce jeune homme n'est pas denue d'habitude pour
les vers; il a deja du en bruler beaucoup; il sent assez bien l'harmonie
de detail, mais sa strophe est pesante et son vers symetrique. Son
style a de la gravite, quelque noblesse, mais peu d'images, peu de
consistance, nulle originalite; il y a de beaux traits, mais ils sont
pris. Le pire, c'est que l'auteur manque d'idees et qu'il se traine pour
en ramasser de toutes parts. Il a besoin de travailler beaucoup, car,
le genie n'y etant pas, il ne fera passablement qu'a force d'etude."
Et la-dessus, tout haut on l'encouragerait fort, et tout bas on n'en
espererait rien.
Que restera-t-il donc de J.-B. Rousseau? Il a aiguise une trentaine
d'epigrammes en style marotique, assez obscenes et laborieusement
naives; c'est a peu pres ce qui reste aussi de Mellin de
Saint-Gelais[35].
[Note 35: "... Mellin de Saint-Gelais dont les poesies sont
fastidieuses a la mort, a dix ou douze epigrammes pres, qui sont
veritablement excellentes." (Lettre de Rousseau a Brossette, du 25
janvier 1718). Mais Rousseau fait le bon apotre quand il dit (29 janvier
1716): "Il y a des choses dont les libertins meme un peu raisonnables
ne sauroient rire, et la liberte de l'epigramme doit avoir des bornes.
Marot et Saint-Gelais ne les ont point passees... S'ils ont badine aux
depens des religieux, ils n'ont point ri aux depens de la religion."
(Voir, si l'on veut s'edifier la-dessus, mon _Tableau de la Poesie
francaise au XVIe siecle_, 1843, page 37.)]
Mele toute sa vie aux querelles litteraires, salue, comme Crebillon,
du nom de _grand_ par Des Fontaines, Le Franc et la faction
anti-voltairienne, Rousseau avait perdu sa reputation a mesure que la
gloire de son rival s'etait affermie et q
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