emblables endroits. Il est facheux
que, non content de protester pour lui, il ait persiste a incriminer les
autres, comme Rollin le lui fit sentir un jour (voir l'_Eloge de Rollin_
par de Boze). A le juger impartialement, on concoit que l'abbe d'Olivet
et d'autres contemporains de merite, sous l'influence et l'illusion de
l'amitie, aient pu dire, en parlant de lui, _l'illustre malheureux_. On
doit desirer (sans toutefois en etre bien certain) qu'ils aient
plus raison que Lenglet-Dufresnoy dans ses _Pieces curieuses sur
Rousseau_.--Contradiction des jugements humains, meme chez les plus
competents! la premiere fois que j'eus l'honneur d'etre presente a M. de
Chateaubriand, il me reprit tout d'abord sur cet article; la premiere
fois que j'eus l'honneur de voir M. Royer-Collard, tout d'abord il m'en
felicita.
LE BRUN
Vers l'epoque ou J.-B. Rousseau banni adressait a ses protecteurs
des odes composees au jour le jour, sans unite d'inspiration, et que
n'animait ni l'esprit du siecle nouveau ni celui du siecle passe, en
1729, a l'hotel de Conti, naissait d'un des serviteurs du prince un
poete qui devait bientot consacrer aux idees d'avenir, a la philosophie,
a la liberte, a la nature, une lyre incomplete, mais neuve et sonore, et
que le temps ne brisera pas. C'est une remarque a faire qu'aux approches
des grandes crises politiques et au milieu des societes en dissolution,
sont souvent jetees d'avance, et comme par une ebauche anticipee,
quelques ames douees vivement des trois ou quatre idees qui ne tarderont
pas a se degager et qui prevaudront dans l'ordre nouveau. Mais en meme
temps, chez ces individus de nature fortement originale, ces idees
precoces restent fixes, abstraites, isolees, declamatoires. Si c'est
dans l'art qu'elles se produisent et s'expriment, la forme en sera nue,
seche et aride, comme tout ce qui vient avant la saison. Ces hommes
auront grand mepris de leur siecle, de sa mesquinerie, de sa corruption,
de son mauvais gout. Ils aspireront a quelque chose de mieux, au simple,
au grand, au vrai, et se dessecheront et s'aigriront a l'attendre; ils
voudront le tirer d'eux-memes; ils le demanderont a l'avenir, au passe,
et se feront antiques pour se rajeunir; puis les choses iront toujours,
les temps s'accompliront, la societe murira, et lorsque eclatera la
crise, elle les trouvera deja vieux, uses, presque en cendres; elle
en tirera des etincelles, et achevera de les devorer. Ils auront ete
malheureux, ac
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