s des degres, glissants desormais a force d'etre
uses, qui menent au temple en marbre de Racine.
Racine, ne en 1639, a la Ferte-Milon, fut orphelin des l'age le plus
tendre. Sa mere, fille d'un procureur du roi des eaux-et-forets a
Villers-Cotterets, et son pere, controleur du grenier a sel de la
Ferte-Milon, moururent a peu d'intervalle de temps l'un de l'autre. Age
de quatre ans, il fut confie aux soins de son grand-pere maternel, qui
le mit tres-jeune au College a Beauvais; et apres la mort du vieillard,
il passa a Port-Royal-des-Champs, ou sa grand'mere et une de ses
tantes s'etaient retirees. C'est de la que datent les premiers details
interessants qui nous aient ete transmis sur l'enfance du poete.
L'illustre solitaire Antoine Le Maitre l'avait pris en amitie
singuliere, et l'on voit par une lettre qui s'est conservee, et qu'il
lui ecrivait dans une des persecutions, combien il lui recommande d'etre
docile et de bien soigner, durant son absence, ses onze volumes de saint
Chrysostome. Le _petit_ _Racine_ en vint rapidement a lire tous les
auteurs grecs dans le texte; il en faisait des extraits, les annotait
de sa main, les apprenait par coeur. C'etait tour a tour Plutarque,
_le Banquet_ de Platon, saint Basile, Pindare, ou, aux heures perdues,
_Theagene et Chariclee_[23]. Il decelait deja sa nature discrete,
innocente et reveuse, par de longues promenades, un livre a la main
(et qu'il ne lisait pas toujours), dans ces belles solitudes dont il
ressentait les douceurs jusqu'aux larmes. Son talent naissant s'exercait
des lors a traduire en vers francais les hymnes touchantes du Breviaire,
qu'il a retravaillees depuis; mais il se complaisait surtout a celebrer
Port-Royal, le paysage, l'etang, les jardins et les prairies. Ces
productions de jeunesse que nous possedons attestent un sentiment vrai
sous l'inexperience extreme et la faiblesse de l'expression et de la
couleur; avec un peu d'attention, on y demele en quelques endroits
comme un echo lointain, comme un prelude confus des choeurs melodieux
d'_Esther_:
Je vois ce cloitre venerable,
Ces beaux lieux du Ciel bien aimes,
Qui de cent temples animes
Cachent la richesse adorable.
C'est dans ce chaste paradis
Que regne, en un trone de lis,
La Virginite sainte;
C'est la que mille anges mortels
D'une eternelle plainte
Gemissent au pied des autels.
Sacres palais de l'innocence,
Astres vivants, choeurs glorieux,
Qui faites voir de nouvea
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