ts des autres,
ne dementent-ils pas notre opinion sur Racine? n'echappent-ils pas aux
critiques generales que nous avons hasardees sur son oeuvre?
Racine, dans les sujets hebreux, est bien autrement a son aise que dans
les sujets grecs et romains. Nourri des livres sacres, partageant
les croyances du peuple de Dieu, il se tient strictement au recit de
l'Ecriture, ne se croit pas oblige de meler l'autorite d'Aristote a
l'action, ni surtout de placer au coeur de son drame une intrigue
amoureuse (et l'amour est de toutes les choses humaines celle qui,
s'appuyant sur une base eternelle, varie le plus dans ses formes selon
les temps, et par consequent induit le plus en erreur le poete).
Toutefois, malgre la parente des religions et la communaute de certaines
croyances, il y a dans le judaisme un element a part, intime, primitif,
oriental, qu'il importe de saisir et de mettre en saillie, sous peine
d'etre pale et infidele, meme avec un air d'exactitude: et cet element
radical, si bien compris de Bossuet dans sa _Politique sacree_, de M. de
Maistre en tous ses ecrits, et du peintre anglais Martin dans son art,
n'etait guere accessible au poete doux et tendre qui ne voyait l'ancien
Testament qu'a travers le nouveau, et n'avait pour guide vers Samuel que
saint Paul. Commencons par l'architecture du temple dans _Athalie_: chez
les Hebreux, tout etait figure, symbole, et l'importance des formes se
rattachait a l'esprit de la loi. Mais d'abord je cherche vainement dans
Racine ce temple merveilleux bati par Salomon, tout en marbre, en cedre,
revetu de lames d'or, reluisant de cherubins et de palmes; je suis dans
le vestibule, et je ne vois pas les deux fameuses colonnes de bronze
de dix-huit coudees de haut, qui se nomment, l'une _Jachin_, l'autre
_Booz_; je ne vois ni la mer d'airain, ni les douze boeufs d'airain, ni
les lions; je ne devine pas dans le tabernacle ces cherubins de bois
d'olivier, hauts de dix coudees, qui enveloppent l'arche de leurs ailes.
La scene se passe sous un peristyle grec un peu nu, et je me sens deja
moins dispose a admettre le _sacrifice de sang_ et l'immolation par
le couteau sacre, que si le poete m'avait transporte dans ce temple
colossal ou Salomon, le premier jour, egorgea pour hosties pacifiques
vingt-deux mille boeufs et cent vingt mille brebis. Des reproches
analogues peuvent s'adresser aux caracteres et aux discours des
personnages. L'idolatrie monstrueuse de Tyr et de Sidon devait etre
opposee
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