meme chose a
Port-Royal." Et plus bas: "M. de Torcy m'a appris que vous etiez dans la
_Gazette de Hollande_: si je l'avois su, je l'aurois fait acheter pour
la lire a vos petites soeurs, qui vous croiroient devenu un homme de
consequence." On voit que madame Racine songeait toujours a son fils
absent, et que, chaque fois qu'on servait quelque chose d'_un peu bon_
sur la table, elle ne pouvait s'empecher de dire: "Racine en auroit
volontiers mange." Un ami qui revenait de Hollande, M. de Bonnac,
apporta a la famille des nouvelles du fils cheri; on l'accabla de
questions, et ses reponses furent toutes satisfaisantes: "Mais je n'ai
ose, ecrit l'excellent pere, lui demander si vous pensiez un peu au bon
Dieu, et j'ai eu peur que la reponse ne fut pas telle que je l'aurois
souhaitee." L'evenement domestique le plus important des dernieres
annees de Racine est la profession que fit a Melun sa fille cadette,
agee de dix-huit ans; il parle a son fils de la ceremonie, et en raconte
les details a sa vieille tante, qui vivait toujours a Port-Royal dont
elle etait abbesse[25]; il n'avait cesse de _sangloter_ pendant tout
l'office: ainsi, de ce coeur brise, des tresors d'amour, des effusions
inexprimables s'echappaient par ces sanglots; c'etait comme l'huile
versee du vase de Marie. Fenelon lui ecrivit expres pour le consoler.
Avec cette facilite excessive aux emotions, et cette sensibilite plus
vive, plus inquiete de jour en jour, on explique l'effet mortel que
causa a Racine le mot de Louis XIV, et ce dernier coup qui le tua; mais
il etait auparavant, et depuis longtemps, malade du mal de poesie:
seulement, vers la fin, cette predisposition inconnue avait degenere en
une sorte d'hydropisie lente qui dissolvait ses humeurs et le livrait
sans ressort au moindre choc. Il mourut en 1699 dans sa soixantieme
annee, venere et pleure de tous, comble de gloire, mais laissant, il
faut le dire, une posterite litteraire peu virile, et bien intentionnee
plutot que capable: ce furent les Rollin, les d'Olivet en critique, les
Duche et les Campistron au theatre, les Jean-Baptiste et les Racine
fils dans l'ode et dans le poeme. Depuis ce temps jusqu'au notre, et a
travers toutes les variations de gout, la renommee de Racine a subsiste
sans atteinte et a constamment recu des hommages unanimes, justes
au fond et merites en tant qu'hommages, bien que parfois tres-peu
intelligents dans les motifs. Des critiques sans portee ont abuse
du droit de le cite
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