ne, ou, sur un grand fonds d'etude,
s'ajoutaient les tracas litteraires, les visites a la cour, l'Academie a
partir de 1673, et peut-etre aussi, comme on l'en a soupconne, quelques
tendres faiblesses au theatre, cette confusion de degouts, de plaisirs
et de gloire, retint Racine jusqu'a l'age de trente-huit ans,
c'est-a-dire jusqu'en 1677, epoque ou il s'en degagea pour se marier
chretiennement et se convertir.
Sans doute ses deux dernieres pieces, _Iphigenie_ et _Phedre_, avaient
excite contre l'auteur un redoublement d'orage: tous les auteurs
siffles, les jansenistes pamphletaires, les grands seigneurs surannes
et les debris des _precieuses_, Boyer, Leclerc, Coras, Perrin, Pradon,
j'allais dire Fontenelle, Barbier-d'Aucourt, surtout dans le cas present
le duc de Nevers, madame Des Houlieres et l'Hotel de Bouillon, s'etaient
ameutes sans pudeur, et les indignes manoeuvres de cette cabale avaient
pu inquieter le poete: mais enfin ses pieces avaient triomphe; le public
s'y portait et y applaudissait avec larmes; Boileau, qui ne flattait
jamais, meme en amitie, decernait au vainqueur une magnifique epitre, et
_benissait_ et proclamait _fortune_ le siecle qui voyait naitre, _ces
pompeuses merveilles_. C'etait donc moins que jamais pour Racine le
moment de quitter la scene ou retentissait son nom; il y avait lieu pour
lui a l'enivrement, bien plus qu'au desappointement litteraire: aussi
sa resolution fut-elle tout-a-fait pure de ces bouderies mesquines
auxquelles on a essaye de la rapporter. Depuis quelque temps, et le
premier feu de l'age, la premiere ferveur de l'esprit et des sens etant
dissipee, le souvenir de son enfance, de ses maitres, de sa tante
religieuse a Port-Royal, avait ressaisi le coeur de Racine; et la
comparaison involontaire qui s'etablissait en lui entre sa paisible
satisfaction d'autrefois et sa gloire presente, si amere et si troublee,
ne pouvait que le ramener au regret d'une vie reguliere. Cette pensee
secrete qui le travaillait perce deja dans la preface de _Phedre_, et
dut le soutenir, plus qu'on ne croit, dans l'analyse profonde qu'il fit
de cette _douleur vertueuse_ d'une ame qui maudit le mal et s'y livre.
Son propre coeur lui expliquait celui de _Phedre_; et si l'on suppose,
comme il est assez vraisemblable, que ce qui le retenait malgre lui
au theatre etait quelque attache amoureuse dont il avait peine a se
depouiller, la ressemblance devient plus intime et peut aider a faire
comprendre tout
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