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modernes Italiens et Gaulois, mais les anciens, dans les textes ou en
traduction: il s'en glorifie a tout propos:
Terence est dans mes mains, je m'instruis dans Horace;
Homere et son rival sont mes dieux du Parnasse;
Je le dis aux rochers, etc...
Je cheris l'Arioste et j'estime le Tasse;
Plein de Machiavel, entete de Bocace,
J'en parle si souvent qu'on en est etourdi;
J'en lis qui sont du nord et qui sont du midi.
Fera-t-on de lui un savant? Son erudition a pour cela de trop
singulieres meprises, et se permet des confusions trop charmantes. Il a
ecrit dans sa Vie d'Esope: "Comme Planudes vivoit dans un siecle ou la
memoire des choses arrivees a Esope ne devoit pas etre encore eteinte,
j'ai cru qu'il savoit par tradition ce qu'il a laisse." En ecrivant
ceci, il oubliait que dix-neuf siecles s'etaient ecoules entre le
Phrygien et celui qu'on lui donne pour biographe, et que le moine grec
ne vivait guere plus de deux siecles avant le regne de Louis-le-Grand.
Dans une epitre a Huet en faveur des anciens contre les modernes, et
a l'honneur de Quintilien en particulier, il en revient a Platon, son
theme favori, et declare qu'on ne pourrait trouver entre les sages
modernes un seul approchant de ce grand philosophe, tandis que
La Grece en fourmillait dans son moindre canton.
Il attribue la decadence de l'ode en France a une cause qu'on
n'imaginerait jamais:
... l'ode, qui baisse un peu,
Veut de la patience, et nos gens ont du feu.
D'ailleurs, en cette remarquable epitre, il proteste contre l'imitation
servile des anciens, et cherche a exposer de quelle nature est la
sienne. Nous conseillons aux curieux de comparer ce passage avec la fin
de la deuxieme epitre d'Andre Chenier; l'idee au fond est la meme, mais
on verra, en comparant l'une et l'autre expression, toute la difference
profonde qui separe un poete artiste comme Chenier, d'avec un poete
d'instinct comme La Fontaine.
Ce qui est vrai jusqu'ici de presque tous nos poetes, excepte Moliere et
peut-etre Corneille, ce qui est vrai de Marot, de Ronsard, de Regnier,
de Malherbe, de Boileau, de Racine et d'Andre Chenier, l'est aussi de La
Fontaine: lorsqu'on a parcouru ses divers merites, il faut ajouter
que c'est encore par le style qu'il vaut le mieux. Chez Moliere au
contraire, chez Dante, Shakspeare et Milton, le style egale l'invention
sans doute, mais ne la depasse pas; la maniere de dire y reflechit le
fond, sans l'eclipser. Quan
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