en fut touche comme d'un exemple a suivre; sa fragilite et d'autres
liaisons qu'il contracta vers cette epoque le detournerent, et ce ne fut
que dix ans apres, quand la mort de madame de La Sabliere lui eut donne
un second et solennel avertissement, que cette bonne pensee germa en lui
pour n'en plus sortir. Mais, des 1684, nous avons de lui un admirable
_Discours en vers_, qu'il lut le jour de sa reception a l'Academie
francaise, et dans lequel, s'adressant a sa bienfaitrice, il lui expose
avec candeur l'etat de son ame:
Des solides plaisirs je n'ai suivi que l'ombre,
J'ai toujours abuse du plus cher de nos biens:
Les pensers amusants, les vagues entretiens,
Vains enfants du loisir, delices chimeriques,
Les romans et le jeu, peste des republiques,
Par qui sont devoyes les esprits les plus droits,
Ridicule fureur qui se moque des lois,
Cent autres passions des sages condamnees,
Ont pris comme a l'envi la fleur de mes annees.
L'usage des vrais biens reparerait ces maux;
Je le sais, et je cours encore a des biens faux.
. . . . . . . . . . . .
Si faut-il qu'a la fin de tels pensers nous quittent;
Je ne vois plus d'instants qui ne m'en sollicitent:
Je recule, et peut-etre attendrai-je trop tard;
Car qui sait les moments prescrits a son depart?
Quels qu'ils soient, ils sont courts...
C'est, on le voit, une confession grave, ingenue, ou l'onction
religieuse et une haute moralite n'empechent pas un reste de coup d'oeil
amoureux vers ces _chimeriques delices_ dont on est mal detache. Et puis
une simplicite d'exageration s'y mele: les romans et le jeu qui ont
egare le pecheur sont la _peste des republiques, une fureur qui se moque
des lois._ Et plus loin:
Que me servent ces vers avec soin composes?
N'en attends-je autre fruit que de les voir prises?
C'est peu que leurs conseils, si je ne sais les suivre,
Et qu'au moins vers ma fin je ne commence a vivre;
Car je n'ai pas vecu, j'ai servi deux tyrans:
Un vain bruit et l'amour ont partage mes ans.
Qu'est-ce que vivre, Iris? vous pouvez nous l'apprendre;
Votre reponse est prete, il me semble l'entendre:
C'est jouir des vrais biens avec tranquillite,
Faire usage du temps et de l'oisivete,
S'acquitter des honneurs dus a l'Etre supreme,
Renoncer aux Phyllis en faveur de soi-meme,
Bannir le fol amour et les voeux impuissants,
Comme Hydres dans nos coeurs sans cesse renaissants.
Sincere, eloquente, sublime poe
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