de mollesse et de reverie voluptueuse
qui n'appartient qu'a notre delicieux auteur, y perce bien deja, mais y
est encore trop charge de fadeurs et de bel esprit. Le poete de Fouquet
fut accueilli, des son debut, comme un des ornements les plus delicats
de cette societe polie et galante de Saint-Mande et de Vaux. Il etait
fort aimable dans le monde, quoi qu'on en ait dit, et particulierement
dans un monde prive; sa conversation, abandonnee et naive,
s'assaisonnait au besoin de finesse malicieuse, et ses distractions
savaient fort bien s'arreter a temps pour n'etre qu'un charme de
plus: il etait certainement moins _bonhomme_ en societe que le grand
Corneille. Les femmes, le rien-faire et le sommeil se partageaient tour
a tour ses hommages et ses voeux. Il en convenait agreablement; il s'en
vantait meme parfois, et causait volontiers de lui-meme et de ses gouts
avec les autres sans jamais les lasser, et en les faisant seulement
sourire. L'intimite surtout avait mille graces avec lui: il y portait
un tour affectueux et de bon ton familier; il s'y livrait en homme qui
oublie tout le reste, et en prenait au serieux ou en deroulait avec
badinage les moindres caprices. Son gout declare pour le beau sexe ne
rendait son commerce dangereux aux femmes que lorsqu'elles le voulaient
bien. La Fontaine, en effet, comme Regnier son predecesseur, aimait
avant tout _les amours faciles et de peu de defense_. Tandis qu'il
adressait a genoux, aux _Iris_, aux _Climenes_ et aux deesses, de
respectueux soupirs, et qu'il pratiquait de son mieux ce qu'il avait cru
lire dans Platon, il cherchait ailleurs et plus bas des plaisirs moins
mystiques qui l'aidaient a prendre son martyre en patience. Parmi ses
bonnes fortunes a son arrivee dans la capitale, on cite la celebre
Claudine, troisieme femme de Guillaume Colletet, et d'abord sa servante;
Colletet epousait toujours ses servantes. Notre poete visitait souvent
le bon vieux rimeur en sa maison du faubourg Saint-Marceau, et
courtisait Claudine tout en devisant, a souper, des auteurs du XVIe
siecle avec le mari, qui put lui donner la-dessus d'utiles conseils et
lui reveler des richesses dont il profita. Pendant les six premieres
annees de son sejour a Paris, et jusqu'a la chute de Fouquet, La
Fontaine produisit peu; il s'abandonna tout entier au bonheur de cette
vie d'enchantement et de fete, aux delices d'une societe choisie qui
goutait son commerce ingenieux et appreciait ses galantes bagatelles;
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