e effroi,
Il vaut bien qu'on le courtise,
Quand il est fait comme moi.
Que dites-vous de ce ton? comme il est heroique encore! Malherbe seul
et Corneille peuvent s'en permettre un pareil. Don Diegue, s'il avait
affaire a une coquette, ne parlerait pas autrement.]
Depuis 1620, epoque ou Corneille vint pour la premiere fois a Paris,
jusqu'en 1636, ou il fit representer _le Cid_, il acheva reellement son
education litteraire, qui n'avait ete qu'ebauchee en province. Il se mit
en relation avec les beaux esprits et les poetes du temps, surtout avec
ceux de son age, Mairet, Scudery, Rotrou: il apprit ce qu'il avait
ignore jusque-la, que Ronsard etait un peu passe de mode, et que
Malherbe, mort depuis un an, l'avait detrone dans l'opinion; que
Theophile, mort aussi, ne laissait qu'une memoire equivoque et avait
decu les esperances, que le theatre s'ennoblissait et s'epurait par
les soins du cardinal-duc; que Hardy n'en etait plus a beaucoup pres
l'unique soutien, et qu'a son grand deplaisir une troupe de jeunes
rivaux le jugeaient assez lestement et se disputaient son heritage.
Corneille apprit surtout qu'il y avait des regles dont il ne s'etait
pas doute a Rouen, et qui agitaient vivement les cervelles a Paris: de
rester durant les cinq actes au meme lieu ou d'en sortir, d'etre ou
de n'etre pas dans les vingt-quatre heures, etc. Les savants et les
reguliers faisaient a ce sujet la guerre aux deregles et aux ignorants.
Mairet tenait pour; Claveret se declarait contre: Rotrou s'en souciait
peu; Scudery en discourait emphatiquement. Dans les diverses pieces
qu'il composa en cet espace de cinq annees, Corneille s'attacha a
connaitre a fond les habitudes du theatre et a consulter le gout du
public; nous n'essaierons pas de le suivre dans ces tatonnements. Il
fut vite agree de la ville et de la cour; le cardinal le remarqua et se
l'attacha comme un des cinq auteurs; ses camarades le cherissaient et
l'exaltaient a l'envi. Mais il contracta en particulier avec Rotrou une
de ces amities si rares dans les lettres, et que nul esprit de rivalite
ne put jamais refroidir. Moins age que Corneille, Rotrou l'avait
pourtant precede au theatre, et, au debut, l'avait aide de quelques
conseils. Corneille s'en montra reconnaissant au point de donner a
son jeune ami le nom touchant de _pere_; et certes s'il nous fallait
indiquer, dans cette periode de sa vie, le trait le plus caracteristique
de son genie et de son ame, nous dirions que ce f
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