-meme d'un malheur
qui a rompu le cours de leurs affections; mais le mauvais succes ne
l'aigrit pas contre sa _belle inhumaine_, comme il l'appelle:
Je me trouve toujours en etat de l'aimer;
Je me sens tout emu quand je l'entends nommer;
. . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . .
Et, toute mon amour en elle consommee,
Je ne vois rien d'aimable apres l'avoir aimee.
Aussi n'aime-je rien; et nul objet vainqueur
N'a possede depuis ma veine ni mon coeur.
Ce n'est que quinze ans apres, que ce triste et doux souvenir, gardien
de sa jeunesse, s'affaiblit assez chez lui pour lui permettre d'epouser
une autre femme; et alors il commence une vie bourgeoise et de menage,
dont nul ecart ne le distraira au milieu des licences du monde comique
auquel il se trouve forcement mele. Je ne sais si je m'abuse, mais je
crois deja voir en cette nature sensible, resignee et sobre, une naivete
attendrissante qui me rappelle le bon Ducis et ses amours, une vertueuse
gaucherie pleine de droiture et de candeur comme je l'aime dans le
vicaire de Wakefield; et je me plais d'autant plus a y voir ou, si l'on
veut, a y rever tout cela, que j'apercois le genie la-dessous, et qu'il
s'agit du grand Corneille[15].
[Note 15: On ne s'avise guere d'aller chercher dans les poesies
diverses de Corneille les stances suivantes que M. Lebrun, l'auteur de
_Marie Stuart_, sait reciter et faire valoir a merveille. On y surprend
le vieux Corneille, un peu amoureux, mais encore plus glorieux et
grondeur:
STANCES.
Marquise, si mon visage
A quelques traits un peu vieux,
Souvenez-vous qu'a mon age
Vous ne vaudrez guere mieux.
Le temps aux plus belles choses
Se plait a faire un affront,
Et saura faner vos roses
Comme il a ride mon front.
Le meme cours des planetes
Regle nos jours et nos nuits:
On m'a vu ce que vous etes,
Vous serez ce que je suis.
Cependant j'ai quelques charmes
Qui sont assez eclatants
Pour n'avoir pas trop d'alarmes
De ces ravages du temps.
Vous en avez qu'on adore;
Mais ceux que vous meprisez
Pourroient bien durer encore
Quand ceux-la seront uses.
Ils pourroient sauver la gloire
Des yeux qui me semblent doux,
Et dans mille ans faire croire
Ce qu'il me plaira de vous.
Chez cette race nouvelle
Ou j'aurai quelque credit
Vous ne passerez pour belle
Qu'autant que je l'aurai dit.
Pensez-y, belle marquise,
Quoiqu'un grison fass
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