qui fourmillaient autour de Malherbe, au-dessous
de Maynard et de Racan, etaient perdus pour le jeune Corneille, qui
vivait a Rouen, et de la n'entendait que les grands eclats de la rumeur
publique. Ronsard, Malherbe, Theophile et Hardy, composaient donc a peu
pres sa litterature moderne. Eleve d'ailleurs au college des jesuites,
il y avait puise une connaissance suffisante de l'antiquite; mais les
etudes du barreau, auquel on le destinait, et qui le menerent jusqu'a sa
vingt et unieme annee, en 1627, durent retarder le developpement de ses
gouts poetiques. Pourtant il devint amoureux; et, sans admettre ici
l'anecdote invraisemblable racontee par Fontenelle, et surtout sa
conclusion spirituellement ridicule, que c'est a cet amour qu'on doit
le grand Corneille, il est certain, de l'aveu meme de notre auteur, que
cette premiere passion lui donna l'eveil et lui apprit a rimer. Il ne
nous semble meme pas impossible que quelque circonstance particuliere
de son aventure l'ait excite a composer _Melite_, quoiqu'on ait peine a
voir quel role il y pourrait jouer. L'objet de sa passion etait, a ce
qu'on rapporte, une demoiselle de Rouen, qui devint madame Du Pont en
epousant un maitre des comptes de cette ville. Parfaitement belle et
spirituelle, connue de Corneille depuis l'enfance, il ne parait pas
qu'elle ait jamais repondu a son amour respectueux autrement que par une
indulgente amitie. Elle recevait ses vers, lui en demandait quelquefois;
mais le genie croissant du poete se contenait mal dans les madrigaux,
les sonnets et les pieces galantes par lesquels il avait commence. Il
s'y trouvait _en prison_, et sentait que _pour produire il avait besoin
de la clef des champs. Cent vers lui coutaient moins_, disait-il, _que
deux mots de chanson_. Le theatre le tentait; les conseils de sa dame
contribuerent sans doute a l'y encourager. Il fit _Melite_, qu'il envoya
au vieux dramaturge Hardy. Celui-ci la trouva _une assez jolie farce_,
et le jeune avocat de vingt-trois ans partit de Rouen pour Paris, en
1629, pour assister au succes de sa piece.
Le fait principal de ces premieres annees de la vie de Corneille est
sans contredit sa passion, et le caractere original de l'homme s'y
revele deja. Simple, candide, embarrasse et timide en paroles; assez
gauche, mais fort sincere et respectueux en amour, Corneille adore
une femme aupres de laquelle il echoue, et qui, apres lui avoir donne
quelque espoir, en epouse un autre. Il nous parle lui
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