ts nouveaux: de la chez lui des
intervalles et des lacunes que l'esprit du lecteur est involontairement
provoque a combler. Les vies completes, poetiques, pittoresques,
_vivantes_ en un mot, de Corneille et de Moliere, restent a faire;
mais a M. Taschereau appartient l'honneur solide d'en avoir, avec une
scrupuleuse erudition, amasse, prepare, numerote en quelque sorte, les
materiaux longtemps epars. Pour nous, dans le petit nombre d'idees que
nous essaierons d'avancer sur Corneille, nous confessons devoir beaucoup
au travail de son biographe; c'est bien souvent la lecture de son livre
qui nous les a suggerees.
[Note 14: Ce morceau a ete ecrit a l'occasion de l'_Histoire de la
Vie et des Ouvrages de Pierre Corneille_, par M. Jules Taschereau.]
L'etat general de la litterature au moment ou un nouvel auteur y debute,
l'education particuliere qu'a recue cet auteur, et le genie propre que
lui a departi la nature, voila trois influences qu'il importe de
demeler dans son premier chef-d'oeuvre pour faire a chacune sa part, et
determiner nettement ce qui revient de droit au pur genie. Or, quand
Corneille, ne en 1606, parvint a l'age ou la poesie et le theatre durent
commencer a l'occuper, vers 1624, a voir les choses en gros, d'un peu
loin, et comme il les vit d'abord du fond de sa province, trois grands
noms de poetes, aujourd'hui fort inegalement celebres, lui apparurent
avant tous les autres, savoir: Ronsard, Malherbe et Theophile. Ronsard,
mort depuis longtemps, mais encore en possession d'une renommee immense,
et representant la poesie du siecle expire; Malherbe vivant, mais deja
vieux, ouvrant la poesie du nouveau siecle, et place a cote de Ronsard
par ceux qui ne regardaient pas de si pres aux details des querelles
litteraires; Theophile enfin, jeune, aventureux, ardent, et par l'eclat
de ses debuts semblant promettre d'egaler ses devanciers dans un
prochain avenir. Quant au theatre, il etait occupe depuis vingt ans par
un seul homme, Alexandre Hardy, auteur de troupe, qui ne signait meme
pas ses pieces sur l'affiche, tant il etait notoirement le _poete
dramatique_ par excellence. Sa dictature allait cesser, il est vrai;
Theophile, par sa tragedie de _Pyrame et Thisbe_, y avait deja porte
coup; Mairet, Rotrou, Scudery, etaient pres d'arriver a la scene. Mais
toutes ces reputations a peine naissantes, qui faisaient l'entretien
precieux des ruelles a la mode, cette foule de beaux esprits de second
et de troisieme ordre,
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