e les galanteries
amoureuses et les beaux sentiments de rigueur qu'on pretait a ces vieux
republicains, on avait une occasion, en les produisant sur la scene,
d'appliquer les maximes d'etat et tout ce jargon politique et
diplomatique qu'on retrouve dans Balzac; Gabriel Naude, et auquel
Richelieu avait donne cours. Corneille se laissa probablement seduire
a ces raisons du moment; l'essentiel, c'est que de son erreur meme il
sortit des chefs-d'oeuvre. Nous ne le suivrons pas dans les divers
succes qui marquerent sa carriere durant ses quinze plus belles annees.
_Polyeucte, Pompee, le Menteur, Rodogune, Heraclius, Don Sanche_ et
_Nicomede_ en sont les signes durables. Il rentra dans l'imitation
espagnole par _le Menteur_, comedie dont il faut admirer bien moins le
comique (Corneille n'y entendait rien) que l'_imbroglio_, le mouvement
et la fantaisie; il rentra encore dans le genie castillan par
_Heraclius_, surtout par _Nicomede_ et _Don Sanche_, ces deux admirables
creations, uniques sur notre theatre, et qui, venues en pleine Fronde,
et par leur singulier melange d'heroisme romanesque et d'ironie
familiere, soulevaient mille allusions malignes ou genereuses, et
arrachaient d'universels applaudissements. Ce fut pourtant peu apres ces
triomphes, qu'en 1653, afflige du mauvais succes de _Pertharite_, et
touche peut-etre de sentiments et de remords chretiens, Corneille
resolut de renoncer au theatre. Il avait quarante-sept ans; il venait
de traduire en vers les premiers chapitres de l'_Imitation de
Jesus-Christ_, et voulait consacrer desormais son reste de verve a des
sujets pieux.
Corneille s'etait marie des 1640; et, malgre ses frequents voyages a
Paris, il vivait habituellement a Rouen en famille. Son frere Thomas
et lui avaient epouse les deux soeurs, et logeaient dans deux maisons
contigues. Tous deux soignaient leur mere veuve. Pierre avait six
enfants; et comme alors les pieces de theatre rapportaient plus aux
comediens qu'aux auteurs, et que d'ailleurs il n'etait pas sur les lieux
pour surveiller ses interets, il gagnait a peine de quoi soutenir sa
nombreuse famille. Sa nomination a l'Academie francaise n'est que de
1647. Il avait promis, avant d'etre nomme, de s'arranger de maniere a
passer a Paris la plus grande partie de l'annee; mais il ne parait pas
qu'il l'ait fait. Il ne vint s'etablir dans la capitale qu'en 1662, et
jusque-la il ne retira guere les avantages que procure aux academiciens
l'assiduite aux sean
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