ui n'arriva qu'a la fin du XVIIIe siecle, en attendant que
l'ere veritablement moderne commencat pour la societe et pour l'art en
particulier, la France, a peine reposee des agitations de la Ligue et de
la Fronde, se creait lentement une litterature, une poesie, tardive sans
doute et quelque peu artificielle, mais d'un melange habilement fondu,
originale dans son imitation, et belle encore au declin de la societe
dont elle decorait la ruine. Le drame mis a part, on peut considerer
Malherbe et Boileau comme les auteurs officiels et en titre du mouvement
poetique qui se produisit durant les deux derniers siecles, aux sommites
et a la surface de la societe francaise. Ils se distinguent tous les
deux par une forte dose d'esprit critique et par une opposition sans
pitie contre leurs devanciers immediats. Malherbe est inexorable pour
Ronsard, Des Portes et leurs disciples, comme Boileau le fut pour
Colletet, Menage, Chapelain, Benserade, Scudery. Cette rigueur, surtout
celle de Boileau, peut souvent s'appeler du nom d'equite; pourtant,
meme quand ils ont raison, Malherbe et Boileau ne l'ont jamais qu'a la
maniere un peu vulgaire du bon sens, c'est-a-dire sans portee, sans
principes, avec des vues incompletes, insuffisantes. Ce sont des
medecins empiriques; ils s'attaquent a des vices reels, mais exterieurs,
a des symptomes d'une poesie deja corrompue au fond; et, pour la
regenerer, ils ne remontent pas au coeur du mal. Parce que Ronsard et
Des Portes, Scudery et Chapelain leur paraissent detestables, ils en
concluent qu'il n'y a de vrai gout, de poesie veritable, que chez les
anciens; ils negligent, ils ignorent, ils suppriment tout net les
grands renovateurs de l'art au moyen-age; ils en jugent a l'aveugle par
quelques pointes de Petrarque, par quelques concetti du Tasse auxquels
s'etaient attaches les beaux esprits du temps d'Henri III et de Louis
XIII. Et lorsque dans leurs idees de reforme, ils ont decide de revenir
a l'antiquite grecque et romaine, toujours fideles a cette logique
incomplete du bon sens qui n'ose pousser au bout des choses, ils se
tiennent aux Romains de preference aux Grecs; et le siecle d'Auguste
leur presente au premier aspect le type absolu du beau. Au reste, ces
incertitudes et ces inconsequences etaient inevitables en un siecle
episodique, sous un regne en quelque sorte accidentel, et qui ne
plongeait profondement ni dans le passe ni dans l'avenir. Alors les
arts, au lieu de vivre et de cohabiter au
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