ssante, Boileau avait continue de
loger chez son frere le greffier Jerome. Cet interieur devait etre assez
peu agreable au poete, car la femme de Jerome etait, a ce qu'il parait,
grondeuse et reveche. Mais les distractions du monde ne permettaient
guere alors a Boileau de se ressentir des chicanes domestiques qui
troublaient le menage de son frere. En 1679, a la mort de Jerome, il
logea quelques annees chez son neveu Dongois, aussi greffier; mais
bientot, apres avoir fait en carrosse les campagnes de Flandre et
d'Alsace, il put acheter avec les liberalites du roi une petite maison
a Auteuil, et on l'y trouve installe des 1687. Sa sante d'ailleurs,
toujours si delicate, s'etait derangee de nouveau; il eprouvait une
extinction de voix et une surdite qui lui interdisaient le monde et la
cour. C'est en suivant Boileau dans sa solitude d'Auteuil qu'on apprend
a le mieux connaitre; c'est en remarquant ce qu'il fit ou ne fit pas
alors, durant pres de trente ans, livre a lui-meme, faible de corps,
mais sain d'esprit, au milieu d'une campagne riante, qu'on peut juger
avec plus de verite et de certitude ses productions anterieures et
assigner les limites de ses facultes. Eh bien! le dirons-nous? chose
etrange, inouie! pendant ce long sejour aux champs, en proie aux
infirmites du corps qui, laissant l'ame entiere, la disposent a la
tristesse et a la reverie, pas un mot de conversation, pas une ligne
de correspondance, pas un vers qui trahisse chez Boileau une emotion
tendre, un sentiment naif et vrai de la nature et de la campagne[3].
[Note 3: Afin d'etre juste, il ne faut pourtant pas oublier que
quelques annees auparavant (1677), dans l'Epitre a M. de Lamoignon, le
poete avait fait une description charmante de la campagne d'Hautile pres
La Roche-Guyon, ou il etait alle passer l'ete chez son neveu Dongois. Il
y peignait, en homme qui en sait jouir, les fraiches delices des champs,
les divers details du paysage; c'est la qu'il est question de gaules
_non plantes_,
Et de noyers souvent du passant insultes.
Mais ces accidents champetres, et toujours et avant tout ingenieux,
sont rares chez Boileau, et ils le devinrent de plus en plus avec
l'Age.--Puisque nous en sommes a ce detail, ne laissons pas de remarquer
encore que la fontaine _Polycrecne_, dont il est question dans la
meme epitre et qui arrose la vallee de Saint-Cheron, pres de Baville,
fontaine chantee en latin par tous les doctes et les beaux-esprits du
temps, Rapin
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