e, et attendait dans une attitude de
violence.
--Eh bien, comte, dit Sixte-Quint en le fixant, qu'avez-vous a nous
dire?
Pour toute reponse, Sfondrato degrafait son pourpoint, ecartait la cotte
de mailles et montrait sur sa poitrine la marque du coup de dague de
Montalte.
Le pape examina la plaie en connaisseur, et froidement:
--Beau coup, par ma foi! et sans la chemise d'acier...
--En effet, Saint-Pere, dit Sfondrato avec un sourire livide.
Puis, reparant hativement le desordre de sa tenue, avec un haussement
d'epaules dedaigneux, les dents serrees, d'un ton tranchant:
--Le coup n'est rien... J'eusse peut-etre pardonne a celui qui l'a
porte. Ce que je ne lui pardonnerai jamais, ce qui rend ma haine
mortelle, c'est que tous deux, nous aimons la meme femme.
--Fort bien, dit Sixte paisiblement. Mais pourquoi me dire cela a moi?
--Parce que, Saint-Pere, celui-la touche de pres a Votre Saintete,
parce que la femme que j'aime s'appelle Fausta et l'homme que je hais
s'appelle Montalte!
Le pape prit un parchemin sur la table et, d'une main calme, se mit a le
remplir.
Sfondrato, immobile, songeait:
--Il va me faire jeter dans quelque cachot, mais, par l'enfer! celui qui
osera toucher au grand juge...
Sixte-Quint achevait de remplir le parchemin.
--Voici pour panser votre coup de poignard, dit-il. Vous m'avez demande
le duche de Ponte-Maggiore et Marciano. En voici le brevet...
Stupefait, Sfondrato, d'un geste machinal, prit le parchemin et gronda:
--Votre Saintete n'a donc pas entendu?... Celui que je veux tuer, c'est
Montalte... votre neveu! celui que vous designez au conclave pour vous
remplacer!
--Que vous frappiez Montalte, c'est affaire entre lui et vous. Mais
frappez-le dans ses entreprises, dans son amour en lui enlevant cette
femme... cela vaudra mieux, croyez-moi, qu'un stupide coup de dague!
--Oh! haleta Sfondrato, quel crime a donc commis Montalte pour que vous,
son oncle, vous parliez ainsi?
--Montalte, dit le pape avec un calme effrayant, Montalte n'est plus
mon neveu, il est mon ennemi! il a arrache de mes mains l'arme qui peut
aneantir la puissance de la papaute et, cette arme, Fausta, graciee par
moi!... Fausta libre ira la porter a l'Espagnol maudit...
--Fausta graciee! gronda Sfondrato aneanti.
--Oui, dit Sixte, Fausta libre!... Fausta qui, dans quelques heures
peut-etre, quittera Rome et s'en ira, escortee de Montalte, porter a
l'Escurial le document qui donne a
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