de son
tombeau; courbe sur un baton, j'allai parcourir, d'un pas encore
tremblant, les alentours de la jolie maison blanche, le parterre
couronne de dahlias, le verger embaume de fruits murs, le bocage
gazouillant, et l'enclos borde d'antiques noyers. De jour en jour, mes
pas s'affermissaient, et mes promenades tendaient vers un but plus
eloigne; je ne restais plus dans l'enceinte trop circonscrite par
les haies et les fosses; avec le bras d'un de mes jeunes guides, je
m'aventurais aux environs, pour voir le pays, en peintre, en historien,
en antiquaire; c'etait la sante qui s'annoncait par le retour de mes
gouts favoris: j'etais encore le bibliophile Jacob.
Mes chers enfants me dirigeaient et m'escortaient, dans ces excursions,
a la distance de plusieurs lieues; je ramassais partout les souvenirs,
empreints sur le sol et dans la pierre, de la domination romaine et
du sejour de Charles VII en Berry. Je suis alle ainsi successivement
visiter, a Feularde, les arches d'un de ces aqueducs que les Romains ont
lies d'un ciment indestructible; a Ryans, le passage de la chaussee de
Cesar, laquelle partait de Bourges, l'ancienne Biturix; a Bois-sire-Ame,
les ruines du chateau d'Agnes Sorel, dame de Beaute; aux Aix-d'Angillon,
les debris des remparts de la forteresse du moyen age; a Sancerre, la
grosse tour qui penche sur la ville; a Bourges, ces vieilles rues,
ces vieilles maisons, et ces nombreux edifices qui lui restent de sa
splendeur royale et qui s'harmonisent avec l'architecture ciselee de sa
merveilleuse basilique.
L'automne pluvieux mit trop tot un terme a ces courses qui acheverent de
consolider ma sante: je marchais sans baton, meme avant d'avoir fait un
pelerinage aux reliques de la fameuse sainte Solange, qui, suivant
la legende, porta sa tete coupee, a l'imitation de saint Denis. Les
journees devinrent courtes, les soirees longues, et le vent du nord-est,
qui soufflait sans cesse en tourbillons, depouilla les arbres de leur
feuillage rouille; ensuite le ciel se fondit en eau, sans qu'un rayon de
soleil put percer le voile epais des nuages.
Cette nature immobile, sombre et humide, qui succedait brusquement a la
nature chaude, doree et vivante, de la belle saison, rembrunit d'abord
mon humeur, de ses brouillards et de ses ouragans; mais je ne pouvais
que me plaire, a la maison, au coin d'un feu clair et petillant, dans
l'intimite d'une famille ou je n'etais plus etranger; on n'eut donc pas
a me faire violence p
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